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Le Maroc tente de se replacer sur la carte sahélienne : Le nord du Mali sous l'ivresse fanatique des djihadistes
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 02 - 07 - 2012

La destruction du patrimoine religieux par les fanatiques d'Ançar Eddine apporte des arguments de plus en faveur des partisans d'une intervention armée au nord du Mali. Le Maroc saisit l'opportunité pour appeler à une intervention internationale pour contrer la politique algérienne de limitation de la réponse aux seuls « pays du champ » sahélo-saharien. Les réserves algériennes à l'égard d'une intervention militaire risquée sont appuyées par les Américains pour qui la priorité est de mettre de l'ordre au sud du pays et à Bamako.
La situation au nord du Mali s'aggrave. De nouveaux actes de destruction ont ciblé d'autres mausolées de saints patrons dans la ville de Tombouctou. Les membres d'Ançar Eddine dans une sorte d'ivresse fanatique se sont attaqués à coups de burins aux mausolées situés dans l'enceinte du Djingareyber (sud). « Cela fait mal, mais on ne peut rien faire, les « fous » sont armés» raconte un témoin. Les habitants de Tombouctou assistent, dans l'impuissance, à la destruction de ce patrimoine religieux et culturel, classé récemment par l'Unesco pour mettre en garde contre les menaces qui pèsent sur lui. Une marche inexorable vers la destruction semble imprimée par des djihadistes frustres et bornés. Samedi, le porte-parole d'Ançar Eddine, à Tombouctou, Sanda Ould Boumama, affirmant agir au « nom de Dieu » a assuré que tous les mausolées, « sans exception » vont être détruits. Ces actes suscitent l'émoi. D'autant que les djihadistes islamistes ont pris le contrôle total du nord du Mali après la cuisante défaite infligée au MNLA à Gao. L'écrasement du MNLA qui a commis l'erreur stratégique de s'aliéner des soutiens internationaux en proclamant l'Etat de l'Azawad crée un déséquilibre qui alimente les inquiétudes. Et susciter des appels à des interventions urgentes. Rabat, avec un certain sens de l'opportunité politique, y a trouvé une possibilité de se remettre dans le jeu sahélien jusque-là réservé, sur insistance de l'Algérie, aux seuls « pays du champ ». Le Maroc a ainsi appelé les « Etats islamiques et la communauté internationale à une intervention urgente et conjointe pour protéger le riche patrimoine malien… ». Sans préciser la nature de « l'intervention urgente », le Maroc relève « la gravité de la situation sécuritaire prévalant dans la région sahélo-saharienne et sur ses répercussions sur la paix et la stabilité dans toute la région» et appelle à une « action déterminante et une coopération sérieuse sur les plans régional et international» pour y mettre fin. A l'évidence, le Maroc trouve dans la dégradation incontestable de la situation une fenêtre d'opportunité pour tenter de contrer la volonté de l'Algérie de limiter la gestion de la crise sahélienne aux seuls « pays du champ » concerné.
UNE ENTREPRISE «TROP LOURDE»
Et de fait, hormis une réserve remarquable des Etats-Unis, la pression en direction d'une intervention armée a tendance à s'accroître. Vendredi, les dirigeants de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), réunis à Yamoussoukro, ont de nouveau exhorté le Conseil de sécurité de l'ONU à autoriser l'envoi d'une force au Mali. Ils ont exprimé, pour la forme, leur préférence pour la négociation. Le point de vue des Américains est qu'une force de la Cédéao de 3300 hommes serait la bienvenue mais pour stabiliser le sud du Mali. Le secrétaire d'Etat adjoint US chargé des questions africaines, Johnnie Carson, a noté que le gouvernement de Bamako « n'a plus de force armée digne de ce nom et a perdu la moitié de son équipement quand il a quitté le Nord ». Une « éventuelle reconquête du Nord serait une entreprise très lourde pour la Cédéao » a-t-il souligné. L'option de l'intervention n'est pas franchement écartée mais, a souligné M. Carson, une éventuelle mission au nord du Mali « devrait être préparée très soigneusement et disposer de ressources en conséquence ». Pour lui, il faut répondre aux « demandes légitimes de la rébellion touareg et de soutenir des négociations avec des mouvements prêts à dialoguer avec Bamako », l'Aqmi et Ançar Eddine étant qualifiés de « dangereux et mortels ».
LES MENACES DE BELMOKHTAR
De son côté, Mokhtar Belmokhtar a envoyé un communiqué à l'Agence Nouakchott d'Information (ANI) où il explique le rôle d'Aqmi dans l'écrasement militaire des forces du MNLA à Gao. Se présentant comme une force qui voulait rétablir la sécurité, Belmokhtar affirme que l'action menée à Gao n'était pas destinée spécialement contre le MNLA. « L'usage de la force a été contraint et limité dans le temps et l'espace ». Cette mesure militaire « ne signifiait pas une déclaration de guerre contre une quelconque partie, ni contre les membres et les regroupements du MNLA comme le prétend un de ses dirigeants ». Ces explications sont assorties d'une mise en garde contre ceux qui collaboreront avec une force militaire appelée à intervenir dans la région. «Nous prévenons chacun devant la tentation de tirer profit» de la situation actuelle dans le nord du Mali «en collaborant avec les forces étrangères qui guettent la région que nous ne resterons pas les bras croisés et que nous agirons en fonction de la situation avec fermeté et détermination», a menacé samedi un de ses chefs, Mokhtar Belmokhtar dans un communiqué diffusé par l'Agence Nouakchott Informations (ANI), un média privé en Mauritanie. Le Mujao avait menacé vendredi de s'attaquer aux pays qui composeraient la force de 3 300 hommes dont l'Afrique de l'Ouest prépare depuis plusieurs semaines l'envoi dans ce pays. On perçoit chez les djihadistes une certaine appréhension à l'idée d'une intervention de la Cédéao ou d'autres forces étrangères. Pourtant, tous leurs actes semblent orientés vers une sorte d'appel à intervention. Entre l'apparente élimination du MNLA du circuit - qui peut être réversible en cas de soutien extérieur consistant - et les actes de destruction du patrimoine de Tombouctou, les incitations à l'intervention extérieure se renforcent. Le Maroc en profite, à peu de frais, pour appeler à l'internationalisation de la réponse.


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