La crise du foncier industriel contribue à pénaliser l'investissement en Algérie. Le gouvernement tente de résoudre le problème, en proposant de nouvelles formules. Mais jusque-là, aucune démarche ne s'est révélée inefficace, car aucun partenaire n'avance à visage découvert. La promesse est maigre. 36 zones industrielles seront créées le long de l'autoroute est-ouest pour parer au déficit dans le domaine du foncier destiné à l'industrie. C'est encore un projet, et il faudra de longues années pour le concrétiser. En attendant, la bureaucratie patauge toujours, n'arrivant pas à trouver une solution pour le foncier industriel, une des grandes revendications du patronat, toutes organisations confondues. Le blocage persiste malgré les facilités décidées par le gouvernement, qui prend une nouvelle mesure à chaque fois que le patronat élève la voix. Mais ces mesures, imaginées et mises en œuvre par la même bureaucratie, se révèlent désespérément inefficaces. Un haut responsable des domaines a confirmé, lundi, que les terrains sont cédés pour le «dinar symbolique» dans les hauts Plateaux, et dans les régions de l'intérieur du pays. Il n'est même plus nécessaire de passer par des procédures réglementaires, aussi allégées soient-elles. La vente se fera selon la formule du gré à gré, c'est-à-dire que l'administration cède le terrain à l'investisseur pour un prix dérisoire. Mais malgré ces facilités, les investissements ne décollent pas. Ce qui révèle tous les sous-entendus et les mensonges que recèle ce dossier du foncier industriel, un dossier qui ne se limite pas aux seuls soucis bureaucratiques liés au transfert de propriété de terrains à rentabiliser, mais couvre, en réalité, un immense transfert de rente. PALLIATIFS Les zones industrielles envisagées, le long de l'autoroute, présentent «un palliatif, mais ne constituent pas une solution», nous dit un expert. «Elles sont éloignées des centres urbains et des concentrations de population, et donc de la main d'œuvre. Elles posent un sérieux problème de transport du personnel qui doit y travailler», dit-il. Elles imposent aussi un nouveau mode de vie pour les travailleurs, avec de longs trajets effectués au quotidien pour le personnel appelé à dynamiser ces nouveaux centres d'activité. Mais ce qui intéresse le patronat, ce sont les terrains situés dans la périphérie immédiate des grands centres urbains, comme Alger, Oran, Constantine, Annaba, Sétif et Béjaïa. Là, les terrains valent de l'or. Et ils sont rares. Ces villes ne trouvent même plus d'espace pour implanter des zones d'habitat et des établissements publics. De plus, elles sont souvent bordées de terres agricoles, dont la transformation en zones constructibles soulève de vives critiques. LE MARCHE LIBRE EST CHER Les investisseurs ne veulent pas aller sur le marché libre, car cela coûte trop cher. Ils pensent aussi que le terrain ne doit pas entrer dans le coût de l'investissement. Leur démarche est, implicitement, basée sur cette réflexion : «si l'Etat veut qu'on investisse, il n'a qu'à nous donner les terrains et nous faciliter les crédits». Un raisonnement plus proche de celui qui bénéficie d'une rente de situation que du capitaine d'industrie. Le gouvernement, quant à lui, fait face à un autre casse-tête. Il ne trouve pas de terrains. Il a allégé les procédures à l'extrême, sans résultat. Il a proposé de céder les terrains aux industriels sous forme de concession, mais ceux-ci n'ont pas accepté. C'est trop risqué. Il suffit d'un simple changement d'humeur d'un responsable, wali ou ministre, pour se faire expulser. De hauts responsables ont promis d'assainir la situation dans les zones industrielles, sans résultat. Ils ont même promis de récupérer les terrains vendus mais non encore construits. Ils ont donné des chiffres, évalué les surfaces récupérables, et commencé à faire des promesses de distribution, avant de se rendre compte de l'absurdité de la démarche, car les propriétaires possèdent des titres inattaquables. La procédure de vente a, elle aussi, subi de nombreux changements. Le gouvernement a voulu abandonner la formule du prix administré. Il a proposé la vente aux enchères, mais le patronat a violemment réagi. La formule risquait de porter les prix au niveau de ceux du marché réel. Trop cher, trop compliqué, trop risqué. Puis, progressivement, les «acheteurs» ont imposé leur propre démarche : le gré à gré, une formule qui permet de négocier dans la discrétion, sans témoin, entre le représentant de l'Etat vendeur et l'acheteur. L'inconvénient de cette formule est aussi dangereux qu'évident: elle encourage la corruption à grande échelle. Au final, le gouvernement s'est retrouvé dans un labyrinthe dont il n'arrive pas à sortir. Mais comme pour les autres dossiers, il tourne en rond parce qu'il n'arrive pas à adopter une règle claire, transparente, applicables pour tous.