La campagne électorale touche à sa fin dans une certaine tension avec des mises en garde opposées contre la «fraude» ou contre le «recours à la rue». Le contexte très particulier de cette élection acte pour de nombreux Algériens et dans des conditions pénibles l'instauration d'une «présidence à vie». Mais le débat politique fondamental n'est pas porté par cette présidentielle et il ne pouvait l'être car le système algérien verrouille depuis plus de vingt ans le champ politique et crée une vie politique factice. Dans les faits, c'est un long monologue du pouvoir qui dure cinq ans pour une «ouverture» de 50 jours. Même avec beaucoup de bonnes volontés et d'efforts, les candidats ne peuvent créer le débat. C'est d'ailleurs une des raisons qui fait que la question de la transition fait plus «sens» que l'élection présidentielle qui est pliée, d'avance, par le monopole politique de fait et l'assurance d'avoir une administration faisant le travail. On aura même vu un wali oser dire que ceux qui ne voteront pas n'auront pas droit au logement. Une erreur de casting à l'heure du portable qui n'apporte rien au candidat au pouvoir mais qui exprime bien ce zèle, censé être un peu plus «masqué», de l'administration. Que fera Ali Benflis, dans la nuit du 17 au 18, c'est une question pour l'immédiat. Il donne des signes de ne pas vouloir jouer les faire-valoir. Son passage par l'émission des « questions et des programmes» de l'ENTV - où les journalistes présents ont plus souvent joué au procureur qu'aux intervieweurs - lui a été bénéfique. Il a donné l'impression qu'il était prêt à se battre et à refuser tout «vol» électoral. Le lendemain, Ahmed Ouyahia, sur le même plateau et avec les mêmes journalistes en mode très soft, a renouvelé le discours «anti-rue». Il y aura donc nécessairement une tension le 17 au soir. Comment s'exprimera-t-elle ? Il est difficile de le savoir. Par contre, même si ceux qui font la campagne de Bouteflika n'arrêtent pas de dire que les institutions «fonctionnent», qu'il n'existe pas d'exclusion politique, la question de la transition est désormais posée. Le FFS a entamé des démarches pour aller vers une conférence nationale, le groupe des partis et personnalités qui appellent au boycott des présidentielles du 17 avril ont mis en place une commission politique avec pour tâche d'élaborer une proposition de pacte de transition. Mouloud Hamrouche en «nommant» les responsables au pouvoir a mis en garde sur le fait que la «cohésion nationale était en jeu». Il y a une situation d'anomie dans le champ social et un état d'impotence critique dans le système qui est arrivé à bout. En marge et en décalage d'une campagne électorale qui a comporté quelques saillies sans passionner le gros des Algériens, un débat essentiel sur la transition et le consensus national pour changer le régime s'est mis en place. Il est axé sur l'après 17 avril. Mais il ne se fera pas sans une mobilisation plus grande des acteurs politiques potentiels et des oppositions. Les tenants du statuquo ne reculeront pas si une pression n'est pas maintenue pour souligner l'urgence du changement. Sans rappeler avec force les risques majeurs de la fausse stabilité qu'ils ont vendue en l'assaisonnant à la peur et à la menace diffuse qui vient de l'extérieur. Or, la menace est «interne», elle est «systémique». Il y a quelques jours, le ministère de l'Energie a démenti une hausse des prix de l'électricité et des carburants. Ceux qui le dirigent n'en pensent pas moins. Quand M. Youcef Yousfi annonce que la facture énergétique du pays a été de 40 milliards en 2013, il met le doigt de manière claire sur un problème fondamental. L'impasse du système rentier. Intenable. Après le vote du 17 avril, on sera où ? Au 18, rue de l'impasse.