Les électeurs algériens, du moins ceux qui ont décidé d'accomplir leur devoir électoral, ont à élire ce jour d'entre les six candidats qui ont sollicité leurs voix celui qui va être appelé à gouverner le pays pour les cinq années à venir. Tous ont la certitude qu'ils vont assister dans ce scrutin à un duel entre Abdelaziz Bouteflika, le président sortant, et Ali Benflis, l'ex-chef du gouvernement. Ce duel qui n'est pas une surprise pour eux, ils le souhaitent « civilisé », c'est-à-dire ne devant pas donner lieu pour son résultat à des manigances qui travestiraient la vérité de la sanction des urnes. Il ne faut pas se voiler la face et nier que l'opinion publique n'est pas convaincue que le scrutin sera indemne de la tare de la fraude électorale qui a été systématiquement au rendez-vous des élections algériennes. Le contexte dans lequel cette fois les Algériens sont appelés à élire leur président est si lourd de menaces qu'une manipulation des urnes leur apparaît comme un crime et une faute politique qu'ils ne laisseront pas se commettre. Il est à espérer que le système ne sous-estime pas cette détermination populaire et a renoncé à considérer qu'il peut cette fois encore faire accepter un « hold-up » électoral sans trop de remous. Le duel Bouteflika-Benflis ne se présente pas comme il le fut en 2004. A l'analyse de leurs campagnes électorales, il apparaît que les deux hommes se livrent un duel dont le résultat ne s'impose pas par avance si tant est que le scrutin sera propre, régulier et transparent. Bouteflika n'est pas à créditer d'une campagne électorale ayant établi qu'il sera « intouchable » en ce scrutin. Elle a indubitablement fait apparaître que la grande popularité dont il était auréolé en 2004 ne s'est pas vérifiée cette fois-ci. L'usure du pouvoir, un bilan controversé et un état de santé défaillant semblent avoir détourné de lui nombre de sympathies et d'intentions de vote. Son adversaire malheureux de 2004 est parvenu indiscutablement à capter en grande partie la masse des déçus de Bouteflika. Il se justifie donc que l'on s'attende à ce que le duel qui les oppose va être serré. Dans ces conditions, il deviendrait incompréhensible qu'il se conclue par des scores électoraux similaires à ceux attribués en 2004 aux deux rivaux. Trop de spéculations et de supputations ont circulé qui trouveraient alors confirmation au cas où la confrontation entre les deux hommes se conclurait en la même forme qu'en 2004. Mais le duel Bouteflika-Benflis ne doit pas occulter que pour que ce scrutin ne prête pas à contestation, il faut qu'il enregistre un taux de participation qui ne soit pas disqualificatif pour son vainqueur. On peut controverser sur le principe même du processus électoral qui est en cours, mais espérer que le candidat élu le sera à « la régulière » et par un quorum d'électeurs à même de lui conférer une légitimité populaire incontestée et incontestable. L'après 17 avril, l'Algérie aura besoin d'un président tirant sa légitimité des urnes et donc en mesure de se confronter aux problèmes qui font la crise nationale. Demain, nous serons renseignés sur ce que ce scrutin va apporter à l'Algérie : une occasion d'avancer vers la résolution de la crise nationale ou au contraire la cause de son aggravation avec tous les risques induits pour l'Algérie.