Les membres de la CNLTD semblent avoir trouvé dans l'initiative du FFS un élément de propagande destiné à expliquer tout et n'importe quoi. En réalité, créer une coordination des opposants (dont beaucoup sont des opposants très récents) et développer un discours «radical» ne change rien à la réalité des choses. Le régime, lui-même dans l'impasse, a les moyens de continuer à ignorer ceux qu'il connaît bien. «Ils sont nés chez nous, on peut leur faire confiance» disait une vieille pub de lubrifiant de Sonatrach. En l'occurrence, les tenants du régime savent qu'ils ne constituent pas une menace. Attaquer le FFS et son initiative devient une fin en soi, une sorte de justification de la situation d'impuissance. Par quel moyen comptent-ils infléchir le rapport de force et contraindre le pouvoir de composer voire de se retirer et de céder la place ? Il n'en y a pas un million. Sont-ils capables de mobiliser la population pour engager un bras de fer avec le régime ? La réponse est non et c'est bien pour cela qu'ils se disent «responsables» et n'appellent pas à la rue. C'est un peu comme en janvier 2011, on prendrait le risque d'une déconvenue. Reste le vague espoir qu'une partie du régime agisse et crée une situation nouvelle. Si cela avait été possible, on l'aurait eu avant l'élection présidentielle, au moment de la controverse sur le 4ème mandat du président. Les appels à la mise en œuvre de l'article 88 restent sans écho parce que justement le système est dans une situation de paralysie où même le coup de force n'est pas possible. L'article 88, comme l'a expliqué joliment et sérieusement un ancien magistrat, a été rédigé de manière à ne pas être applicable. Juridiquement, c'est «comme une chambre sans porte, ni fenêtre, personne ne peut y entrer». Le mettre en œuvre implique donc une intrusion hors des formes qui ne semble pas à l'ordre du jour. L'impasse du régime est réelle. L'incapacité à formuler des solutions de dépassement viable est aussi une réalité. Taper sur le FFS, souvent en termes insultants, est probablement la seule «action» qu'on imagine. Les chances de voir l'initiative du FFS aboutir ne sont pas grandes et ce n'est pas à cause du « rejet» de la CNLTD. Le vrai problème est que le système est tellement bloqué que toute tentative de changement se heurte à des résistances qui l'annulent. Le 4ème mandat de Bouteflika est l'effet de ce blocage, non pas la cause. On peut, à juste titre, s'inquiéter du fait que la présidence de la République qui, dans le système algérien, est le lieu de l'impulsion des politiques soit lourdement affectée par l'état de santé du président. Mais on ne doit pas oublier que c'est un problème de régime qui ne peut plus bouger et de société qui ne dispose pas des moyens et des instruments pour le changer. C'est une double impasse dont la gravité impose de ne pas faire dans le simplisme et le «y a qu'à». Encore moins, quand on a été pendant très longtemps des chargés de l'animation politique par le régime, se mettre à dénoncer la mollesse présumée des opposants de longue date. Cela manque de décence. Appeler à réfléchir ensemble à un «consensus» pour remettre le pays en marche n'est pas une hérésie.