C'est à l'infranchissable fossé qui la sépare du pouvoir que l'opposition politique s'attelle, à son corps défendant, à réduire dans la perspective de parvenir à un «compromis historique». Un préalable pour amorcer un processus de changement démocratique. Convaincu de l'impossibilité d'engager le pays sur la voie de la transition par les moyens classiques –les élections – l'opposition, dans ses variantes, s'est engagée à forger d'abord en son sein une coalition pour affronter le pouvoir en bloc. La rencontre de Zéralda, en juin dernier, a été le point de départ, qui a donné naissance à la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD). L'objectif est de «démontrer que l'opposition est capable de se rassembler et d'élaborer un projet alternatif, mais surtout de construire un rapport de force pouvant permettre de négocier avec le pouvoir une sortie de crise», a expliqué Abdelaziz Rahabi, un des animateurs de la CNLTD. De toute évidence, le système, se barricadant derrière une fausse stabilité, n'émet plus. Il n'envoie aucun signal indiquant une prédisposition allant dans le sens du changement, alors que toutes les analyses convergent sur l'urgence de sortir rapidement le pays de l'immobilisme mortifère. Incapable d'ouvrir de nouvelles perspectives, le régime, dans ses différentes strates, choisit le statu quo. Tel est le sens que les acteurs politiques les plus sérieux ont donné à la reconduction de Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat. Signe que le régime lui-même est dans une impasse qui peut conduire jusqu'à l'effondrement du pays. La récente révolte au sein de la police en est l'illustration éclatante. «Les décideurs font une grave erreur d'analyse. Nous ne sommes pas dans une stabilité, c'est plutôt un statu quo périlleux pour le pays», estime Nacer Djabi. C'est dans ce contexte qu'intervient une autre initiative politique, celle du FFS, pour façonner ce que le parti appelle «le consensus national». Une démarche qui prend le contre-pied des forces de l'opposition regroupées dans la CNLTD et favorise une approche bilatérale. Sans poser de condition préalable, le parti de Mohamed Amokrane Cherifi tend la main aux partis du pouvoir en affirmant que sa mission consiste à jouer au «médiateur» entre l'opposition et le régime. La démarche du FFS est différemment appréciée. Les partis du pouvoir s'en félicitent. Tactiquement, ils tirent un profit politique dans le sens où le «rapprochement» qu'opère le FFS les rend fréquentables, alors qu'ils souffrent d'un déficit de crédibilité aux yeux d'une grande partie de l'opinion. Sur le plan stratégique, l'offre du FFS ne les séduit guère. Amar Saadani a bien signifié au «présidium» du FFS qu'il est hors de question de débattre des questions de fond devant conduire au changement de régime. Le parti du vieux routier de l'opposition, Hocine Aït Ahmed, qui, dès 1989, plaidait pour un changement radical du régime, se lance dans un pari à haut risque. Pour les plus incrédules, ce parti est en «passe d'opérer sa reconversion», de trouver son chemin de Damas. Pour Mohand Arezki Ferrad, animateur de la CNLTD, «l'opposition n'a pas besoin d'une quelconque médiation entre elle et le pouvoir. Notre démarche est claire, si réellement les décideurs font preuve de volonté politique». Il est vrai que le FFS ne lève pas totalement le voile sur les objectifs qu'il poursuit, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. D'autres acteurs politiques ne manquent pas de se demander si, réellement, la clé du règlement de la crise se trouve chez l'ex-parti unique ou son alter ego, le RND. Hocine Aït Ahmed qui, durant des années, identifiait clairement les centres de décision en usant d'un vocable qui lui est cher, «le pouvoir réel». Une formule qui a disparu du lexique du parti. N'est-il pas risqué pour le FFS de se voir ainsi «utilisé» par un pouvoir plus rompu à des arrangements claniques qu'à des conciliations fondées sur la négociation politique sérieuse ? Son appel à «la raison» se semble pas parvenir au sérail, du moins pour l'instant. Les seuls signaux qui proviennent de la citadelle du régime assurent que le changement, «ce n'est pas maintenant».