Une aube nouvelle pointe sur la Tunisie avec l'élection de Béji Caïd Essebssi à l'issue du second tour de l'élection présidentielle. Finalement, il n'y a pas eu de grande surprise pour cette élection qui a consacré un ancien cacique du régime déchu de Benali devant le candidat de la gauche tunisienne, Moncef Marzouki. Déjà pressenti par les observateurs comme le vainqueur de cette élection après l'avoir emporté avec une confortable avance sur son concurrent au premier tour, Béji Caïd Essebsi (BCE), du haut de ses 88 ans, confirme les projections des sondages que la Tunisie s'oriente vers tous les compromis, sauf avec les islamistes. BCE a été proclamé hier lundi vainqueur de la première élection présidentielle démocratique en Tunisie avec 55,68% des suffrages exprimés, selon l'instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), contre 44,32% pour son concurrent Moncef Marzouki. Un score net et sans équivoque qui assoit encore plus le poids du parti du président, Nida Tounès, qui rassemble tout les courants politiques tunisiens, à l'exception des islamistes. En fait, toute la campagne électorale entre Marzouki, président sortant qui a géré la période transitoire post-Benali, et BCE, s'est déroulée sur le terrain de la lutte contre le retour au pouvoir des islamistes d'Ennahda, obligés de partir après la crise politique de l'été 2013 et l'assassinat de deux dirigeants de la gauche tunisienne. L'alliance de Marzouki, un ancien opposant qui a longtemps vécu en exil, avec Ennahda lui aura en fait coûté beaucoup, au point où il a été zappé par une bonne partie de l'électorat tunisien. Sinon comment interpréter que l'ancien serviteur des régimes de Bourguiba et de Benali soit plébiscité avec un score aussi élevé ? Le manque d'expérience de Marzouki, ajouté à la menace islamiste et la lenteur des services de sécurité tunisiens à réagir contre cette menace auront, selon les observateurs, creusé davantage le fossé entre Marzouki et BCE, un ancien cadre du RCD, le parti dissous de Benali, et donc fatalement qui avait plusieurs points d'avance pour remporter cette élection. Juste avant la proclamation officielle des résultats de ce scrutin, un réseau tunisien indépendant, le réseau Mourakiboun avait publié les résultats d'un dépouillement rapide ou le Parallel vote tabulation (PVT) qui affirment la victoire de Béji Caïd Essebsi au 2ème tour de cette présidentielle avec un taux qui se situe entre 54,1 pc et 57 pc. Quant au candidat Moncef Marzouki, il a obtenu entre 42,9 pc et 45,8 pc des voix, selon Rafik Halouani, coordinateur du réseau, qui a fait observer que le dépouillement rapide des voix s'est basé sur les PV des centres de tri et de collecte. Les premiers résultats préliminaires de cette élection ont donné raison aux résultats de ce réseau, puisque BCE a été proclamé par l'ISIE vainqueur de cette présidentielle avec un taux de 55,68%. Pour autant, ces élections ont été émaillées de quelques incidents relevés par l'Association tunisienne pour l'Intégrité et la Démocratie des élections (ATIDE) qui a recensé le jour du scrutin une série d'irrégularités. Dans un communiqué, l'association a regroupé ces irrégularités dans quatre chapitres liés aux infractions dans les bureaux de vote, à l'intimidation des observateurs, à la violation du silence électoral et à l'influence des électeurs. Cette élection marque la fin de la transition vers un régime démocratique, trois années après la fin de la dictature de Benali qui ont été marquées par la mise en place d'une nouvelle constitution qui limite drastiquement les pouvoirs du nouveau président. C'est également le début d'une autre ère pour les Tunisiens, mis à genoux par une déprime économique qui a exacerbé les grands indicateurs sociaux, notamment un chômage de plus de 15%, une baisse du niveau de vie et une croissance économique anémiée, sur fond de menaces djihadistes sur la Tunisie. Beji Caïd Essebsi qui devient ainsi le premier président de la Deuxième république de Tunisie, devra en outre constituer dans les prochains 15 jours un gouvernement, puisqu'il a remporté en novembre dernier les élections législatives, faisant de son parti, Nida Tounès, la première force politique du pays, devant Ennahda. Les défis, pour autant, restent énormes, et la nouvelle équipe gouvernementale qui sera dirigée par le parti vainqueur de ces élections aura du pain sur la planche, à commencer par résorber le chômage et redonner confiance aux Tunisiens.