Ahmed Ouyahia est de retour. Et, avec lui, les grandes intrigues politiques du sérail deviennent quelque chose de sérieux, que la classe politique, opposition et alliés réunis, doivent prendre en considération. Pour son retour, donc, à la tête du RND, après un scénario à l'italienne, qui a évincé Abdelkader Bensalah, mis d'office à la retraite du parti, Ahmed Ouyahia a fait une mise au point au détour d'une conférence de presse marathon, sur les grands sujets d'actualité pour le pays. A commencer par l'état de santé du Président Bouteflika, un argument avancé par l'opposition pour des élections présidentielles anticipées et une période de transition. Ouyahia, également directeur de cabinet à la présidence de la République, a répliqué en affirmant que le président Bouteflika n'a pas préparé sa succession en léguant le pouvoir à son plus jeune frère Said. Là- dessus, Ouyahia estime que «je ne pense pas que le peuple algérien soit un peuple monarchiste, ni que le moudjahid Bouteflika ait des visions monarchistes». En clair, Said Bouteflika ne brigue pas le poste de président et n'a pas d'objectifs politiques. D'autant, a-t-il ajouté, qu'il est hors de question d'organiser une élection présidentielle et des législatives anticipées. En fait, le Président Bouteflika «va diriger, jusqu'à la fin de son mandat, et les élections législatives se tiendront en 2017», a-t-il, ainsi, expliqué, mettant, dès lors, hors jeu, l'opposition, notamment la coordination de Ali Benflis, le FFS et le RCD qui demandent une présidentielle anticipée et une période de transition, se basant sur le fait que le Président Bouteflika, malade, est incapable de gérer le pays. En bon «commis de l'Etat», comme il l'a affirmé lors de ce point de presse, Ouyahia, parlant de son parti, a indiqué que le RND est disposé à débattre de toutes les questions, à caractères économique, sécuritaire et politique. A l'exception de «celle touchant au choix du peuple, à travers l'urne, comme la question de la période de transition». Et puis il finit par se lâcher : «le RND s'oppose aux tentatives de substituer l'opinion d'un groupe politique à celle du peuple. Il y a une seule voie dans le pluralisme, en matière d'alternance, au pouvoir à savoir : le peuple et non le consensus national ni la période de transition». Bref, il n'y aura ni période de transition, encore moins des élections présidentielles anticipées. A peine a-t-il fermé une porte, qu'il ouvre une autre pour la refermer aussitôt. Il s'agit en fait de la révision de la Constitution, qui, une année après, n'a pas encore vu le jour. «Cela est une question de calendrier», avait-il répondu à la question de savoir où en est le projet de révision de la loi fondamentale. Etant chargé par le président de mener les discussions avec les partis politiques, société civile et universitaires et personnalités nationales, Ouyahia est donc le mieux placé pour répondre à cette question. Ainsi, sa réponse sera un exemple de «langue de bois» : «la locomotive est, d'ores et déjà, lancée, le reste relève des prérogatives du président de la République». Et, en pointant ceux qui ont dit que le Président Bouteflika avait «échoué» à créer un consensus autour de l'amendement de la Constitution, le nouveau patron du RND a rappelé que toutes les mouvances politiques avaient pris part aux consultations, même celles qui estimaient que «cela n'était pas d'actualité». Par ailleurs, il n'a pas manqué de répondre à la question de savoir quelle était son opinion sur la lettre de félicitations, envoyée par le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaid Salah, au SG du FLN, Amar Saadani. Pour lui, «c'était un message de félicitations, d'un frère à un frère, et rien de plus». Pour autant, il n'a pas hésité à saluer, tout de suite après, «le DRS et Toufik, en tant que frère et compagnon, ainsi que les centaines de milliers de personnes qui veillent à la protection du pays et consentent d'immenses sacrifices, à cette fin». Sur la question du gaz de schiste, et les récents événements, d'In Salah, Ouyahia reste de marbre, et, il donne en fait la vraie position du gouvernement sur ce dossier. D'abord, il rappelle que «les habitants du Sud ne sont pas les damnés de la terre», l'Etat «ne fait aucune différence entre les habitants du Nord et ceux du Sud». Et puis, selon lui, l'exploitation du gaz de schiste n'est pas possible, en Algérie, avant au moins 6 ou 8 ans. La production du pétrole et du gaz conventionnels diminue, d'année en année, et pourrait cesser dans 10 à 15 ans, estime t-il, et avertit que l'Algérie doit trouver des ressources de substitution, avant de préciser que l'exploration du gaz de schiste et non l'exploitation, effectuée à In Salah, a été réalisée par Sonatrach, en collaboration avec la société Schlumberger, et non pas avec Total (France). Certains pays lancent des rumeurs concernant les effets négatifs de l'extraction du gaz de schiste pour des raisons servant leurs propres intérêts, explique-t-il, avant de citer un «pays ami, un des plus grands producteurs d'énergie nucléaire et dont la production de gaz de schiste par l'Algérie risque de désavantager». Affirmant, en outre, qu'il a fait «la sale besogne», Ouyahia assume : «je n'ai aucune gêne à l'affirmer, d'avoir fait la sale besogne. Tout simplement parce qu'il fallait bien que quelqu'un la fasse», et refuse, en même temps, de lier son retour à la tête du RND à un quelconque plan de succession planifié dans les rouages de l'Etat, mettant hors-jeu les spéculations sur une quelconque préparation de la succession de Bouteflika. «Mon retour à la tête du parti a été dicté par des raisons internes», a-t-il expliqué. Ahmed Ouyahia estime qu'il fait partie des «hommes qui doivent mourir politiquement», comme cela se faisait durant la guerre de Libération nationale. Et il le dit «je suis un commis de l'Etat». «Je n'ai rien à regretter, je n'ai que des factures à rembourser à l'Algérie».