Le syndicat d'entreprise ENIEM en appelle aux pouvoirs publics pour sauver leur outil de production, financer son développement et l'épargner de l'article 66 de la loi de finances 2016. C'est un véritable cri de détresse que les travailleurs de l'ENIEM ont lancé hier au gouvernement pour empêcher l'entreprise de disparaître. L'incursion que le secrétaire général de l'UGTA a faite hier dans ses immenses ateliers, lui a permis de voir que les travailleurs peinent à assurer un rythme de production raisonnable aux équipements qui occupent des espaces considérables. L'unité Injection plastique, par exemple, abrite 65 grosses machines depuis 1986 mais ne tourne qu'à 35%. La vérité vraie est qu'il y a juste quatre machines qui sont mises en marche, toutes les autres sont mises en veilleuse à cause d'un manque accru de plans de charge et de sous-traitants. Maintenues selon le DRH de l'ENIEM « en très bon état », les machines coûtent près de 700 000 euros l'unité. «Nous avons une contrainte financière majeure, on n'arrive pas à avancer, on veut que notre entreprise dure le plus longtemps possible, qu'elle préserve son outil de travail pour produire national, nous vous demandons de nous aider en soutenant notre cause auprès des pouvoirs publics, » a déclaré le secrétaire général du syndicat de l'entreprise au cours d'une séance de travail tenue au siège de l'ENIEM par Abdelmadjid Sidi Saïd avec le staff dirigeant. Saïd Moussaoui n'en reste pas là. Il demande au SG de l'UGTA d'expliquer aux travailleurs « si l'ENIEM est-elle ou non concernée par l'article 66 de la loi de finances 2016. » Le collectif des travailleurs affirme « craindre la privatisation, nous sentons aujourd'hui que c'est devenu un risque potentiel qu'elle soit cédée au privé, » note-t-il. L'ENIEM DEMANDE DE L'AIDE Le secrétaire général de l'Union de wilaya reconnaît, pour sa part, que l'ENIEM a des investissements dans le pipe « mais on n'arrive pas à les faire démarrer à cause des contraintes financières.» Bachir Ramdhane évoque « les potentialités de l'entreprise, ses actifs dormants, ses possibilités de recrutement de sous-traitants mais elle n'arrive pas à se frayer un chemin prometteur. » Il revendique avec insistance, l'instauration du dialogue social, sinon, dit-il, les conséquences sont imprévisibles. » Il fait savoir que « si le dialogue social est instauré par les pouvoirs publics dans le cadre bipartite et tripartite, il est totalement exclu au niveau local par les autorités qui se prennent en même temps, pour les employeurs et les garants de la loi. » Il note qu'au niveau local « il y a une méprise de la représentation syndicale, c'est pour cela qu'il y a toujours des foyers de tensions multiples, c'est même le pourrissement. » Bachir Ramdhane évoque « la situation de blocage dans laquelle vit l'ENATB depuis 40 jours à cause de la cécité économique des responsables ( ). » Il déplore «la détérioration du climat social en général. » Ce qui lui fait dire que «l'indifférence nourrit les dérapages. » Les travailleurs de la wilaya de Tizi Ouzou revendiquent leur droit de « mettre en place les organes sociaux, des cellules syndicales au niveau des entreprises privées » parce que chez le privé « l'exercice syndical est un crime tout autant que la déclaration de leurs employés à la sécurité sociale, » dit le SG de l'Union UGTA de wilaya. Ils veulent en outre, que leur soient expliqué « les dernières informations sur la retraite et le reste des acquis sociaux. « Nous sommes inquiets,» disent leurs représentants. DES REFRIGERATEURS A ENERGIE SOLAIRE, UNE PREMIERE EN ALGERIE Le déplacement à l'ENIEM a laissé Sidi Saïd dire que « la production nationale a atteint un niveau de perfectionnement appréciable. » Le PDG de l'entreprise lui fait voir que les cuisinières du label sont désormais « teintes avec de l'émail en poudre, une première en Afrique. » Avant, les appareils étaient couverts avec un émail qui dégage, selon les responsables, des produits chimiques très nocifs. « En utilisant l'émail en poudre, on a gagné en santé avec 0% de rejets toxiques, en énergie et en temps, » a expliqué le PDG. L'ENIEM emploie 1700 personnes. «Avec le nouveau projet d'extension, on arrivera en juin prochain à 2 000 employés, » affirme le SN d'entreprise. L'ENIEM se targue aussi de fabriquer « pour la première fois en Algérie avec la collaboration de l'ENIE Bel Abbès, des réfrigérateurs à énergie solaire. » Ce modèle est, disent les responsables « destiné aux frontières sud du pays, les besoins ont déjà été exprimés. » Le ministère de la Défense en a déjà passé commande et reçu « la marchandise ». Ils sont aussi fiers d'exhiber «le congélateur 105L, le buldozzer algérien, » disent-ils. L'entreprise fabrique en même temps des chauffages avec des techniques nouvelles de sécurité. « Au cas où l'oxyde de carbone s'en échappe, le gaz est coupé automatiquement, » explique le PDG. « Pour doubler d'effort, on a besoin d'argent, » demande le collectif. L'ENIEM fabrique 40 produits électroménagers à raison d'un million d'unités par an. « En 40 ans d'existence, l'ENIEM, disent ses responsables, n'a jamais eu d'accident avec ses appareils. » Mais paradoxe de l'industrie nationale et de son marché, l'ENIEM n'arrive pas à écouler un stock de 30 000 unités parce que, explique son PDG, « ce sont des réfrigérateurs quelque peu démodés. » « C'est la guerre contre l'importation » Le SG de l'UGTA lance alors « c'est la guerre contre l'importation, le crédit à la consommation qui sera effectif en janvier prochain est fait pour booster la production nationale. » Il souligne aussi que « les licences d'importation ne seront délivrées que pour ceux qui sont dans le métier, ce sont les professionnels qui auront le droit d'importer ce qui nous manque, on gagnera en argent et en qualité parce qu'ils devront œuvrer pour le transfert de technologies et assurer le service après vente,» C'est ce qu'il appelle « la professionnalisation et la régulation de l'importation. » Sidi Saïd avoue qu'en 2014 « l'Algérie a importé pour près de 800 millions de dollars d'électroménagers, » tout en sachant que le public et le privé algériens couvrent 80% des besoins du marché local. A toutes les interrogations posées par les travailleurs et aussi par les responsables de l'ENIEM, le patron de la Centrale syndicale propose à leur PDG de « rencontrer le DG de l'ANSEJ pour signer une convention de partenariat pour la sous-traitance, les jeunes de l'ANSEJ peuvent vous ouvrir des shows rooms à travers le territoire, promouvoir votre produit et assurer le service après vente» L'ENIEM a 7 points de vente à travers le pays et l'ENIE en a 30. Entre temps, le président de la CIPA intervient pour noter que « l'ENIEM est historiquement la 1ère usine d'électroménager créée en Algérie, il ne faut pas qu'elle perde des plumes. » Abdelaziz M'Henni affirme à l'intention des syndicalistes de l'entreprise qui disent craindre la privatisation que « vous avez tort, aujourd'hui, on est tous concerné par la bataille de la production nationale, si on ne s'entraide pas, on est fini. » A propos des 30 000 unités stockées par manque de marché, Sidi Saïd suggère de les céder à des prix promotionnels. « Je peux vous donner un espace à la centrale syndicale pour les exposer et les vendre, on peut le faire aussi dès Ramadhan prochain, et on peut les faire écouler par le biais des entreprises et des fédérations,» dit-il. Un stock de l'ENIEM à prix promotionnels Le président de la CIPA propose plus, en visant le marché africain. « On peut en faire des opérations d'exportations vers des pays comme le Sénégal, le Cameroun et la Côte d'Ivoire, » fait-il savoir mais note qu' « il y a un problème avec la liberté de commerce chez nous.» M'Henni pense aussi qu'il serait intéressant de ramener la marchandise stockée à la foire de la production nationale qui s'ouvre le 23 de ce mois. Sidi Saïd répond à ceux qui craignent la privatisation qu' « il ne faut pas utiliser des mots qui choquent, la privatisation, on l'a vécu dans notre chair dans les années 90, et on en garde des séquelles douloureuses à ce jour. » Aujourd'hui, indique-t-il « on parle investissement et partenariat public-privé national. » Il annonce d'ores et déjà « une coopération immédiate entre l'ENIEM et des entreprises affiliés à la CIPA pour une sous-traitance de l'injection plastique et des compresseurs. » Il estime qu' « on a certes perdu beaucoup de temps mais pas tout le temps, on doit redonner une nouvelle dimension à notre économie. » Le SG de l'UGTA a fait escale dans l'après-midi chez le privé Tifra Lait producteur d'une gamme variée de produits laitiers. « C'est un échantillon de tout l'agroalimentaire, il fait face à l'importation en produisant des produits de qualité, » affirme Sidi Saïd. Il pense qu' «on doit arrêter de tergiverser, on peut se substituer à l'importation, la production nationale est importante et peut couvrir le marché national, surtout en fromages. » Le patron de l'entreprise réclame « des pâturages» pour nourrir les vaches qu'il importe. « Le package de lait qu'il produit est à 100% alors que des laits importés ne le sont pas, » dit Sidi Saïd. « Nous avons l'obligation morale de parler de l'investissement national et non pas de privatisation parce qu'en parler c'est figer l'économie nationale, révisons notre conception de l'économie nationale, c'est ma demande, » dit le SG de l'UGTA.