Le secteur de l'aluminium en Algérie se porte mal. Concurrence déloyale, absence de normes nationales, importation de profilé aluminium de piètre qualité par des importateurs sans scrupules animés par le seul gain rapide, absence de protection juridique des producteurs nationaux et de leurs produits, ce sont là quelques problèmes auxquels fait face ce secteur stratégique dans notre pays. Sur une quinzaine d'usines qui fabriquent cette matière, indispensable notamment dans la construction, la moitié risque la fermeture à cause de la concurrence déloyale de certains importateurs qui ont inondé le marché de profilé aluminium (qui sert à la fabrication de fenêtres, de portes, faux plafonds, éviers de cuisine, etc.) et qui ne répond nullement aux standards internationaux, que ce soit en termes d'épaisseurs ou en qualité. C'est du moins ce qu'a affirmé, hier, Lakhdar Lahrache, directeur du groupe AMR (Al Achar Mine Ramadane), une unité spécialisée dans la production et la transformation de l'aluminium, basée à El Eulma dans la wilaya de Sétif. S'exprimant à l'occasion d'une conférence de presse organisée à l'issue d'une visite de son usine qui s'étale sur 15 hectares et à laquelle ont été conviés les principaux journaux de la presse nationale, M. Lahrache est catégorique. Si, affirme-t-il, l'Etat ne prend pas ses responsabilités en mettant en place des « normes nationales » pour mettre un terme à l'anarchie qui règne dans le secteur, la moitié des producteurs nationaux vont mettre la clé sous le paillasson et des milliers d'emplois vont disparaître. Le patron de AMR soutient que l'association des producteurs d'aluminium a transmis depuis des années des rapports au gouvernement et aux différents départements ministériels pour réglementer le secteur à travers la mise en place de « normes nationales » et obliger tous les intervenants dans le secteur à les respecter mais en vain. Selon un cadre de cette unité, même l'IANOR (Institut algérien de normalisation) est composé dans sa majorité d'importateurs pour ce qui est du comité aluminium, ce qui fait que toutes les propositions des producteurs nationaux sont mises en veilleuse. « Les blocages sont nombreux. Même au niveau de l'INAPI, censé protéger la propriétaire industrielle », a affirmé ce cadre lors de la conférence de presse, en soulignant en ce sens que AMR, à titre d'exemple, a déposé depuis 8 années plus de trois cents (300) produits au niveau de l'Institut algérien de la propriété industrielle (INAPI) mais n'ont jamais été brevetés, ni publiés ni même rejetés. Les produits en question peuvent être copiés, fabriqués et commercialisés sous d'autres labels sans que le propriétaire légal puisse réagir, se désole le conférencier, qui fait état d'une « exception bien algérienne ». « Le producteur national est livré à lui-même alors que si l'Etat veille à l'instauration d'une concurrence saine, en matière d'aluminium, nous pouvons satisfaire deux fois la demande nationale », rebondit le directeur de AMR, une usine gigantesque qui emploie plus de 500 personnes dont l'investissement a été puisé à 75% grâce à des fonds propres. Il faut savoir que la demande nationale, selon le conférencier, est estimée à 40.000 tonnes. La majorité du profilé aluminium écoulé sur le marché national provient de Chine et même d'Europe. Il est vendu moins cher que le produit national mais l'épaisseur ne dépasse pas 0,9mm alors que la norme des producteurs nationaux et celle internationale est de 1,3mm, selon M. Lahrache qui informe qu'il a dû se séparer de 200 ouvriers à cause de cette concurrence déloyale. Le conférencier qui réclame une « oreille attentive » de la part du gouvernement affirme, par ailleurs, que si la TVA est réduite à 7% au lieu de 17% sur toutes les matières premières entrant dans la fabrication des produits finis dans la mesure où ces produits concernent le secteur de la construction, énormément d'emplois seraient préservés en attendant que l'Etat applique dans toute sa rigueur la loi pour ce qui est notamment des « tricheurs » qui ont gangrené le secteur. Enfin, il y a lieu de noter qu'un séminaire aura lieu le 20 février prochain au niveau de l'hôtel El Aurassi autour du secteur de l'aluminium. Parrainée par le ministère de l'Habitat, la rencontre verra la participation de nombreux ministres, des experts, des bureaux d'études ainsi que les responsables locaux des wilayas afin de débattre justement des problèmes de ce secteur dont le chiffre d'affaires s'élève à plusieurs centaines de millions de dollars mais qui se meurt peu à peu faute de normes et de réglementation.