Le nouveau ministre de l'Industrie et des Mines, Youcef Yousfi, veut revoir la filière de l'industrie automobile, dont le volet fabrication et montage en Algérie. Il a expliqué lors de la passation des pouvoirs samedi avec son prédécesseur, Mahdjoub Bedda, que l'industrie automobile sera parmi les dossiers importants inscrits à l'ordre du jour de son agenda. Le ministre a expliqué que «l'industrie nationale sera mise à contribution pour développer le secteur de l'industrie automobile en Algérie et réaliser l'intégration entre les deux secteurs». «Nous comptons par ailleurs intégrer l'industrie automobile dans le secteur de l'industrie nationale». Pour M. Yousfi l'industrie automobile constitue l'une des assises essentielles pour la construction d'une économie diversifiée dans la perspective d'une économie libérée de la dépendance aux hydrocarbures. En clair, Youcef Yousfi veut revoir tout le dispositif de l'industrie de montage de véhicules que son prédécesseur, Mahdjoub Bedda, avait dénoncé. Le nouveau gouvernement, c'est une évidence, veut revenir en profondeur, sinon complètement, sur ce concept de montage de véhicules en Algérie que des spécialistes avaient dénoncé. Le gouvernement Sellal, qui avait imposé une restriction draconienne des importations de voitures, dans la perspective de la naissance «d'une industrie du montage» de véhicules, avait non seulement fait flamber les prix des véhicules neufs de plus de 50% par rapport à leur valeur, mais échoué à mettre en place une industrie de montage avec un fort taux d'intégration. Résultat: plus de voitures neuves sur le marché national et hausse intolérable des prix du neuf et de l'occasion. A l'origine de la crise En 2016, durant le mandat du gouvernement Sellal, les importations de véhicules de tourisme avaient baissé en valeur et en nombre dans le sillage des mesures de limitation des importations pour faire face à la crise financière, de 36,61%. Selon le bilan des douanes, les importations de véhicules de tourisme ont atteint 1,292 milliard de dollars en 2016 contre 2,038 milliards de dollars en 2015, alors que ces importations avaient atteint en 2014 près de 6,34 md de dollars et 7,33 md de dollars en 2013. La baisse est donc spectaculaire entre 2013 et 2016. En outre, le comité interministériel chargé des programmes des licences d'importation avait limité pour l'année 2016 le contingent quantitatif d'importation de véhicules de tourisme à 98.374 unités contre un premier quota de 152.000 voitures. En 2015, 300.000 voitures avaient été importées contre 439.637 en 2014. L'objectif étant de limiter les importations de véhicules CBU (Complete Built-up Unit), et donner l'avantage à la construction de véhicules en Algérie à travers des contrats de partenariat avec de grands constructeurs. Mais, le scandale des véhicules importés et montés sur place n'avait pas ébranlé le gouvernement Sellal. Ce n'est qu'avec l'arrivée du gouvernement Tebboune que les Algériens vont s'apercevoir de la supercherie. Le gouvernement Tebboune a ainsi établi que l'évaluation de la filière du montage de véhicules a fait ressortir qu'il existe «une forme d'importation déguisée et que le taux d'intégration nationale n'a pas atteint l'objectif escompté ». C'est ainsi que l'évaluation préliminaire effectuée par le ministère de l'Industrie concernant cette activité relève plusieurs dysfonctionnements dont le prix exorbitant des véhicules par rapport aux années précédentes, alors que le Trésor avait des manques à gagner, outre le fait que les projets actuels de montage de véhicules n'avaient pas réussi à créer le nombre d'emplois fixé. Conclusion: « Il est nécessaire de mettre un terme au mode actuel de production dans ce secteur, étant donné que la majorité des entreprises de montage de véhicules n'ont pas atteint les objectifs assignés notamment en matière d'intégration nationale», avait estimé l'ex-ministre de l'Industrie du gouvernement Tebboune qui avait éventé une mystification industrielle. Car tous les spécialistes de l'automobile le savent : un véhicule fabriqué en SKD (semi knocked down) coûte plus cher qu'un véhicule importé en l'état. Selon M. Mokhtar Chahboub, expert et ancien P-DG de la SNVI, le montage de véhicules à partir du système du SKD (kits importés) en Algérie produit des surcoûts allant de 5 à 6%. Or, ce surcoût, en plus des différentes taxes introduites ces dernières années, fait que le véhicule fabriqué localement va coûter plus cher que le même modèle importé. Il l'explique dans une intervention à la radio nationale: «Chez les grands constructeurs, le processus de production d'un véhicule est très automatisé. Dès lors qu'on leur demande de prélever des volumes pas très significatifs, c'est des surcoûts qui sont générés». Plus concrètement, M. Chahboub explique que le véhicule monté en régime SKD revient plus cher que le CBU (Complete Built-up Unit), c'est-à-dire un produit importé totalement monté. «Le cahier des charges oblige les concessionnaires à atteindre un taux d'intégration de 15% à la fin de la 3ème année de production et de 40% à la 5ème année. Au-delà de ces délais, s'il n'y a pas de taux d'intégration, ça sera alors des véhicules non rentables qui seront produits en Algérie», ajoute-t-il. D'où cette envolée des prix du neuf, plus de 50%, fabriqué localement comparativement aux véhicules du même constructeur importés, ce qui a complètement déréglé le marché intérieur de l'automobile, faisant passer les prix à plus de deux millions de dinars pour un véhicule qui ne coûtait pas plus de 1,2 million de dinars avant la limitation draconienne des importations de véhicules et le début du montage des «kits-voitures» et des listes d'attente avec des délais de livraison de plus de 6 mois. Bref, le nouveau ministre veut faire de l'ordre, sinon le ménage dans la filière. Pour le revenant Youcef Yousfi, l'objectif principal du secteur dont il prend la charge et qu'il qualifie de «sensible», est d'aller vers «l'intégration» de l'industrie automobile dans le programme des «industries nationales». Vaste programme.