La chambre basse du Parlement algérien est entrée dans une déconcertante crise institutionnelle, avec le gel des activités de cinq groupes parlementaires, ceux de la majorité présidentielle, qui demandent le départ 'sine die'' de son président, Saïd Bouhadja. Si certains analystes se refusent pour le moment de parler d'une crise politique, ils n'en pensent pas moins que le Parlement est secoué depuis une semaine par une profonde crise institutionnelle. D'autant que le président de l'APN, poussé à la porte de sortie par le SG du FLN et les groupes parlementaires du RND, du MPA et de Taj, ainsi que les indépendants, refuse de partir. Une situation qui a poussé le ministère des Affaires étrangères à intervenir pour geler les activités diplomatiques du président du Parlement. C'est une autre situation inédite que traverse le Parlement avec cette intervention du gouvernement, qui peut être interprétée comme une autre manœuvre d'isolement de son président, en bloquant une partie de ses activités diplomatiques. Cerné de toutes parts, Saïd Bouhadja refuse de partir, mais cet entêtement cache mal d'autres raisons explicatives ou ayant nourri cette crise. Plusieurs partis de l'opposition, et même parmi l'alliance présidentielle, ne sont pas loin de penser que le blocage de l'APN, qui doit examiner la loi de finances 2019 et l'adopter avant le mois de décembre, obéit à de sombres calculs, dont celui de provoquer un blocage total de l'Assemblée nationale, ce qui faciliterait ensuite sa dissolution. A sept mois de la prochaine élection présidentielle, le pari semble risqué, mais probable, selon des voix de l'opposition, qui estiment que cette situation pourrait déboucher sur une dissolution de la chambre basse du Parlement, et la mise en place, non pas d'un nouveau président de chambre, mais d'une transition parlementaire. A ce moment, les textes de lois, dont la LF2019, peuvent être adoptés par décrets présidentiels, ce qui donne la main au président Bouteflika d'annoncer d'abord le gel de la tenue de la prochaine présidentielle, ensuite instaurer une période de transition pour préparer sa succession. C'est là un scénario séduisant pour l'opposition, qui s'accroche à l'idée d'un report de la prochaine élection présidentielle, et l'instauration d'une période de transition, ce qui fatalement va accréditer l'appel du SG du FLN pour que le président Bouteflika poursuive son œuvre de redressement du pays. D'autant que la durée de cette crise institutionnelle, puisque c'en est une, est révélatrice de sombres batailles au sein du sérail sur la suite à donner à une injonction peut-être maladroite de Djamel Ould Abbès au président du Parlement pour se démettre de son poste. Car il ne fait aucun doute que la démarche du SG du FLN ne peut être, dans le contexte de blocage actuel du Parlement, une action individuelle, sinon une stratégie personnelle pour 'dégommer'' Saïd Bouhadja. Les calculs sont autres, et seraient plus liés aux prochaines échéances politiques, avec très probablement un prochain remaniement dans le 'top management'' de l'APN et dans certaines structures institutionnelles. Car si le FLN, qui mène la fronde, est allé aussi loin dans son bras de fer avec le président de l'APN, un militant du même parti et ancien moudjahid, c'est que les jours de celui-ci à la tête du Parlement sont comptés. Sa succession, ou son départ, est sur les starting-blocks. La question de ce que sera le prochain Parlement est plus importante que le départ inéluctable de Saïd Bouhadja. Dissolution, nomination d'un nouveau président ou transition parlementaire ? Les réponses ne tarderont pas.