L'ancien ministre de la Défense et membre du HCE, Khaled Nezzar, a été entendu hier par le tribunal militaire de Blida en tant que témoin dans l'affaire des anciens patrons des services de renseignement, les généraux Mohamed Mediene (dit Toufik) et Athmane Tartag, et le frère de l'ancien président de la République, Saïd Bouteflika, accusés de «complot contre l'autorité de l'armée». Selon différents journaux électroniques, Nezzar est ressorti du tribunal militaire après avoir fait sa déposition. L'audition de Khaled Nezzar n'est pas une surprise. Elle était même prévue par de nombreux observateurs après son «témoignage» écrit publié notamment sur le site Algérie Patriotique, appartenant à son fils, dans lequel il fait état de «tentatives de diversion», de «manœuvres» et de «manigances désespérées» du frère de l'ancien président «pour garder la haute main sur les affaires du pays». Dans le texte publié, il y a deux semaines (le 29 avril 2019, plus exactement), Nezzar affirme vouloir «apporter un témoignage pour dire jusqu'où était décidé à aller cet homme (Saïd Bouteflika, ndlr) qui ne voulait pas comprendre, qui ne voulait pas imaginer, que le rideau était définitivement tombé». «Le 7 mars 2019, j'ai reçu un appel émanant de lui par l'intermédiaire d'un ami. Il voulait me voir. Après quelques moments d'hésitation, j'ai décidé d'accepter. Nous nous sommes donc vus. L'homme était visiblement dans le désarroi. Il voulait connaître mon opinion sur ce qui se passait dans le pays et sur ce qu'il pouvait entreprendre pour faire face à la contestation populaire», écrit Nezzar. Il affirme avoir dit au frère de l'ancien président : «Etant donné que le peuple ne veut pas d'un cinquième mandat, qu'il veut aller à une deuxième République et qu'il rejette les membres de la classe politique en charge actuellement de responsabilités, j'estime qu'il faut répondre à ses demandes». Nezzar affirme avoir suggéré «deux propositions» de sortie de crise, dont celle «plus raisonnable» prévoyant la démission de Abdelaziz Bouteflika et celles «du président du Conseil constitutionnel et des deux chambres du Parlement», la «désignation d'un gouvernement de technocrates», la «création de plusieurs commissions indépendantes qui seraient compétentes pour préparer les futures élections». Selon son témoignage, Saïd Bouteflika qui «rejeta d'emblée cette seconde proposition» n'a pas caché la volonté du clan présidentiel d'aller vers «un état d'urgence ou l'état de siège». «J'étais surpris par tant d'inconscience. Je lui répondis : «Si Saïd, prenez garde, les manifestations sont pacifiques, vous ne pouvez en aucun cas agir de cette manière !» A cet instant, je me suis rendu compte qu'il se comportait comme le seul décideur et que le Président en titre était totalement écarté», affirme Khaled Nezzar. Autre élément clé dans le «témoignage» de l'ancien ministre de la Défense, concerne la «destitution» de Gaïd Salah du poste de chef d'état-major. «Je l'en dissuadai fortement au motif qu'il serait responsable de la dislocation de l'armée en cette période critique», affirme encore Nezzar dans son «témoignage» écrit.