La commission Laraba a fortement défendu hier son avant-projet de loi organique relative aux élections en affirmant qu'elle l'a structuré autour d'une unification entre deux régimes électoraux, celui proportionnel (listes fermées) et nominatif (listes ouvertes). Conformément à la Constitution, on a réuni deux régimes électoraux codifiés par les lois 2016 et 2017, on a eu le régime proportionnel depuis 97 à ce jour, ça a engendré de gros problèmes d'éligibilité», a déclaré hier la commission Laraba lors de sa présentation au CIC de l'avant-projet en question en présence de nombreux journalistes. «Cette unification a été difficile parce qu'elle exige au préalable d'unifier les concepts juridiques existants dans ces textes, ce qui nous a pris un temps très long, mais ça nous permet d'harmoniser entre l'ensemble des dispositions». Unification qui est aussi, selon ses 8 membres qui se sont relayés pour répondre aux questions des journalistes, «pour contrer l'argent sale, personne ne peut soudoyer personne pour passer parce que les listes sont ouvertes, elles sont nominatives, avant c'était les partis politiques qui voulaient faire passer des listes qu'ils agençaient selon leurs choix mais aujourd'hui, c'est le candidat qui doit se défendre pour être élu, et c'est l'électeur qui doit choisir, ça ne sert à rien de donner de l'argent, à moins d'acheter les électeurs...». Selon la commission, «ce régime libère l'électeur et oblige les partis politiques à changer de philosophie et de méthode de travail concernant les élections». Les 4% de voix collectés ou à défaut avoir eu 10 députés, imposés aux partis pousse la commission à avouer que «la disposition a du bon et du mauvais mais certains lui donnent plus d'importance qu'elle ne le mérite, un parti doit prouver au moins son ancrage au sein de la société(...), sinon que lui reste-t-il s'il ne peut pas mener la bataille de la concurrence autour des sièges ?!?». «A ceux qui rejettent ces conditions, la commission leur rappelle que l'avant-projet est soumis à débat, les partis n'ont qu'à apporter la contradiction». Cette obligation ne concerne pas les nouveaux partis. Ce qui pousse à de nombreuses interrogations sur «l'égalité des chances». Laraba explique les dispositions de son avant-projet La commission s'en défend, «un nouveau parti n'a pas encore testé sa popularité(...), on ne peut pas lui demander de le faire dès ses premières élections». L'obligation faite aux partis politiques pour s'assurer de l'égalité entre les candidatures des femmes et des hommes «ne s'accommode pas, pense la commission, avec le système des quotas, on a tenu à ce que les candidatures femmes soient égales à celles des hommes, parce que la société nous y oblige, on a 24,466 millions d'électeurs, 11% sont des femmes, la femme fournit plus d'efforts que l'homme(...). On a des universités dans toutes les villes et la majorité des étudiants sont des femmes, pourquoi c'est l'homme qui commande ? Il faut changer l'équation». Elle pense ainsi que «les prochaines élections donneront le taux électoral réel». Elle note que «les communes de moins de 20.000 habitants ne sont pas concernées par cette disposition de parité. «D'ailleurs on a pensé à revoir à la baisse ce nombre parce que sur les 1541 communes, plus de 1000 ont moins de 20 000 habitants», disent ses membres. Elle avoue toutefois que «la question de l'égalité entre femmes et hommes est très complexe parce qu'elle n'existe pas, elle est frappée de la relativité(...)». Les prérogatives de l'ANIE, son indépendance, son organisation, sa composition et son impartialité ont été largement débattues. «L'introduction de l'ANIE dans cet avant-projet est pour la renforcer, déterminer clairement ses prérogatives en tant que seule autorité chargée d'organiser des élections de bout en bout, on a en outre voulu avoir une seule loi pour l'organisation des élections et le déroulement de tout le processus électoral», dit un membre de la commission Laraba. Il rappelle que «de 50, les membres de l'ANIE sont réduits à 20, étant entendu qu'elle en a 16 000 autres à travers toutes les wilayas du pays et 70 membres au niveau de la diaspora». C'est le président de la République qui désigne les 20 membres de l'ANIE (art. 40 alinéa 3). «Ce qui est une garantie et non une atteinte à sa neutralité, parce qu'il n'y a que chez nous qu'on considère que c'est une tare, le président n'est pas un exécutif, dans la Constitution 2020, on l'a sorti du pouvoir exécutif et on l'a mis au-dessus de tout le monde, chaque membre a droit à un seul mandat de 6 ans, ce qui ne donne pas de temps à l'allégeance à qui que ce soit», pense la commission. Qui contrôle l'ANIE ? En plus des membres de l'ANIE, les wilayas et les communes auront chacune deux commissions électorales et un secrétariat technique. «Le wali n'aura aucun rôle dans le processus électoral, c'est l'ANIE qui fait tout, toutes les autorités, les instances et les structures doivent mettre à sa disposition toute la logistique qui garantit le bon déroulement de l'ensemble du processus électoral», soutient la commission. Qui contrôle l'ANIE ? «En cas de dérive, elle peut être traduite en justice». A propos du financement des campagnes électorales, la commission affirme avoir «essayé de trouver tous les mécanismes pour sa surveillance et pour faire face à l'argent illicite. On a décidé d'interdire les dons extérieurs et de pays étrangers «sauf ceux remis par des personnes physiques et non morales auxquels l'Etat va fixer les niveaux. On a plafonné les financements pour chaque candidat à 250 millions (art 93), il est tenu d'ouvrir un compte bancaire(...), 1000 DA doivent être déposés(...)». Pour les jeunes candidats indépendants, «l'Etat prend tout en charge, à 100%». Un tiers des candidats doivent avoir un diplôme universitaire, « aucun niveau d'instruction n'est fixé pour les deux tiers restants, tout le monde peut se porter candidat y compris les analphabètes si les électeurs pensent qu'ils sont aptes à les représenter dans les assemblées élues», indique la commission. Ses membres recommandent de «ne pas saucissonner les textes de loi, il faut en faire une lecture d'ensemble de la loi électorale, la loi sur les partis, le code des collectivités locales». En attendant que ces deux derniers textes soient révisés et voient le jour, la commission exige dans son avant-projet aux candidats d'avoir «un minimum de crédit au sein de la société». Elle exige «un certificat de bonne conduite qu'on peut établir à partir du casier judiciaire uniquement, ce qui ne doit pas poser de gros problèmes juridiques(...)». Un de ses membres estime d'ailleurs qu' «il ne faut pas exagérer sur l'éligibilité des assemblées actuelles parce qu'elles ont quand même voté des lois que nous appliquons»... Les promesses de la commission Au titre des infractions électorales, la commission évoque entre autres «l'affichage aléatoire des listes, empêcher les gens de voter(...), les sanctions ont été durcies, une fois prouvé, une plainte est déposée et c'est le juge qui doit trancher». En plus d'une lecture «chiffrée» de l'avant-projet, le président de la commission a fait savoir, au préalable, que «nous avons été installé par le président de la République le 19 septembre dernier, on a commencé à faire des propositions préliminaires sur le sujet, on a adopté une méthodologie basée sur une étude profonde des lois de 2016 et 2017 relatives à l'organisation d'élections, et on a aussi pris connaissance des lois de certains pays d'Afrique et d'Europe, on a rencontré le ministre de l'Intérieur et le président de l'ANIE, on a travaillé avec des cadre de l'Intérieur». La commission affirme n'avoir pas traduit de mouture «on a travaillé sur deux projets, l'un en arabe et le second en français selon les règles en vigueur». La commission affirme s'attendre «à ce que la participation dans les prochaines élections sera très élevée». Elle assure que «si ce projet sera adopté, le taux de participation va s'élever sans l'intervention de l'administration». Son président rappelle avoir remis il y a une semaine son avant-projet aux partis politiques. A ce jour, «nous avons reçu des propositions de deux partis politiques et 5 autres de la société civile», fait savoir Laraba. Il souligne que «le président de la République a fixé un délai pour cela, la commission va étudier sur la base de leur conformité à la loi toutes les propositions des partis, ils ont toute la liberté pour les formuler mais doivent s'assurer de leur efficacité parce qu'il ne faut pas que ça aille dans tous les sens». Laraba précise que «c'est aux autorités du pays de trancher ce qui doit être rejeté et ce qui doit être retenu dans la mouture finale».