Entre-temps, les suspects sont emprisonnés sans nourriture dans des cellules dont certaines ne permettent pas de s'allonger . Précisons qu'il y a parmi eux de très jeunes adolescents et des vieillards de 75, 80 ans et plus. À l'issue des interrogatoires et de l'emprisonnement à la ferme, le « suspect » peut être: libéré (c'est souvent le cas des femmes et de ceux qui peuvent payer (...) ou interné dans un centre dit « d'hébergement » (au Hamma Plaisance, notamment); ou encore considéré comme « disparu » (lorsqu'il est mort des suites de l'interrogatoire ou abattu en "corvée de bois" aux environs de la ville. (...) Les « interrogatoires » sont conduits et exécutés par des officiers, sous-officiers ou membre des services du C.R.A." (...) Les chiffres - car il y en a - sont éloquents: La capacité du "centre" entré en activité en 1957, est de 500 à 600 personnes, et il paraît fonctionner à plein rendement en permanence. Depuis sa constitution il a "contrôlé" (moins de huit jours de prison)108 175 personnes; fiché 11 518 Algériens comme militants nationalistes sur le secteur; gardé pour des séjours de plus de huit jours 7 363 personnes; interné au Hamma 789 suspects." » LES AVEUX DU GENERAL MASSU ET AUSSARESSES (JOURNAL LE MONDE ) La torture en Algérie fut évoquée, entre autres, par le chef militaire d'Alger, le général Jacques Massu dans son ouvrage La vraie bataille d'Alger publié en 1972. En 2000, lors d'un entretien donné au quotidien Le Monde du 21 juin 2000, il déclara que « le principe de la torture était accepté ; cette action, assurément répréhensible, était couverte, voire ordonnée, par les autorités civiles, qui étaient parfaitement au courant ». Il ajoute : « J'ai dit et reconnu que la torture avait été généralisée en Algérie (...) On aurait dû faire autrement, c'est surtout à cela que je pense. Mais quoi, comment? Je ne sais pas. Il aurait fallu chercher; tenter de trouver. On n'a malheureusement pas réussi, ni Salan, ni Allard, ni moi, ni personne. ». Cette déclaration fait écho à l'accusation de Louisette "Lila" Ighilahriz, militante algérienne torturée en 1957 à Alger, devenue psychologue.En 2000, elle accusa le général Massu, et le général (colonel à l'époque) Bigeard, d'avoir laissé le champ libre à la torture en Algérie. Massu le reconnut, mais Bigeard réfuta l'accusation52. Selon Louisette Ighilahriz, "Massu ne pouvait plus nier l'évidence".Selon les récentes interview d'un officier français, Paul Aussaresses qui ne regrette rien, le général Massu était au courant chaque jour, de la liste des prisonniers passés à la question, ainsi que des « accidents » de parcours. Poursuivi par la Ligue des Droits de l'Homme pour "apologie de crimes de guerre", Aussaresses a été condamné à 7 500 euros d'amende par la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris, les éditeurs Plon et Perrin ont été condamnés à 15 000 euros d'amende chacun s'agissant du livre "Services spéciaux, Algérie 1955-1957 : Mon témoignage sur la torture". Ce jugement a été confirmé en appel en avril 2003. La cour de cassation a rejeté le pourvoi en décembre 2004. En effet, le général justifiait à plusieurs reprises dans ce livre l'emploi de la torture qui permettrait de sauver des vies innocentes en poussant les terroristes présumés à révéler les détails de leurs projets et leurs complices. Le Président de la République a demandé que soit retiré à l'officier sa légion d'honneur en condamnant ses propos comme inadmissibles.En revanche, le général Aussaresses avait fait l'objet de plaintes pour les crimes de tortures qu'il avait reconnus dans son livre. Une autre procédure avait été ouverte mais la Cour de Cassation a rejeté, les poursuites intentées contre le général pour les crimes de tortures eux-mêmes, amnistiés depuis.Louisette Ighilahriz est l'auteur du livre "Algérienne" aux éditions Fayard, elle est allée en justice défendre sa probité contre ceux qui mettaient en cause son témoignages et a gagné ses procès en diffamations57 le général Maurice Schmitt a ainsi été condamné pénalement. OUVRAGES PUBLIES PENDANT LA GUERRE La torture pendant la guerre d'Algérie est notamment connue grâce au témoignage de Robert Bonnaud, puis à celui d'un ancien torturé, directeur d'Alger Républicain : Henri Alleg. Henri Alleg publia son témoignage sous le titre La Question (Minuit, 1958). Avec La Gangrène de Bachir Boumaza, paru la même année aussi chez le même éditeur, l'ouvrage fut immédiatement censuré. Toutes les méthodes de torture (gégène, eau, paillasse barbelée, sérum de vérité, arrachage d'ongles, brutalité, privation de sommeil, poivre dans le vagin etc…) y sont détaillées. Cet ouvrage fut censuré par le gouvernement, car mettant en cause l'armée et ses méthodes, la faisant apparaître comme la nouvelle Gestapo d'Algérie.Les tortures sont également évoquées au procès de Djamila Boupacha, militante de l'ALN, défendue par l'avocate Gisèle Halimi. Le ministère intervient pour que les militaires français soient mis hors de cause.Un film, mis en scène par Laurent Heynemann en 1977, reprend l'intégralité du livre d'Henri Alleg et revient sur l'affaire Audin.En 1959, cinq Algériens publient La Gangrène, ouvrage dénonçant les tortures pratiquées au siège de la DST, à Paris. Le livre est interdit.En avril 1961, le livre « Les égorgeurs » de l'appelé du contingent Benoist Rey publié une première fois aux Editions de Minuit, qui décrit sans ambages « le quotidien de meurtres, de viols, de pillages, d'incendies, de destructions, de tortures, de sadisme, d'imbécillité... d'une armée composée d'engagés et... d'appelés », est saisi dès sa sortie. Comme d'autres témoignages, ce livre a alors été censuré. Benoist Rey dénonce que « la torture est en Algérie un moyen de répression usuel, systématique, officiel et massif. ». LE DIRECTEUR D'ALGER REPUBLICAIN, ARRETE PAR LES PARAS C'est précisément Henri Alleg, membre du PCF et directeur d' Alger Républicain, qui sera arrêté par les paras de la 10e DP, au domicile de Maurice Audin: « le fond du problème était cette guerre injuste .L'activiste du Parti Communiste Français et directeur du journal Alger Républicain, Henri Alleg, dénonce l'emploi avéré de la torture par l'armée française, à partir de sa propre expérience vécue lors de la bataille d'Alger, dont il témoigne dans la presse.. A Suivre