« Les institutions sont la garantie du gouvernement d'un peuple libre contre la corruption des mœurs, et la garantie du peuple et du citoyen contre la corruption du gouvernement. » Saint-Just C'est le temps qui donne de la valeur aux choses et sublime dans nos représentations mentales les choses les plus vénales. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Qui n'aime pas la corruption ? Celle qui vous ramène votre permis de conduire et dilue vos frasques, celle qui dégote un emploi pour votre nièce, celle qui sauve vos containers d'une douane tatillonne ou d'un fisc frondeur, celle qui raccourcit les délais d'une demande d'hospitalisation, celle qui vous met miraculeusement sur la liste des lauréats pour le résidanat en médecine, celle qui permet à certains imams de choisir le lieu de leur affectation , celle qui vous procure un passeport pour le pèlerinage , celle qui vous aide à introduire et à déverser sur le marché national des tas de saloperies qui empoisonneront le peuple algérien. La corruption arrive à exaucer l'ensemble de nos désirs les plus immoraux, à réaliser nos projets les plus illégaux ou nous sauve tout simplement d'une mauvaise passe. Ce qui est tragique c'est qu'elle nous permet le plus souvent d'obtenir seulement nos droits les plus élémentaires, ceux qui ont été confisqués par l'autre cerbère de l'Etat : La bureaucratie. Dieu ne peut pas faire mieux. La corruption, c'est notre pain béni. Nous devons avoir de la considération pour ce fait social quasi dévotionnel qui s'est incrusté dans l'histoire et les mœurs de notre pays. Les générations futures ne trouveront pas de substratum aussi expressif et éloquent du point de vue anthropologique que tous ces artefacts qui auront réussi à laisser de profonds stigmates dans notre conscience collective et à modifier complètement notre cogito et notre rapport au monde. Nous devons, pour parachever notre identité nationale (Arabité-Islamité-Amazighité), y adjoindre comme nouvelles constantes la bureaucratie et la corruption. Chaque pays essaye de faire prévaloir les merveilles naturelles dont il dispose ou les exploits qu'il a su imprimer dans son histoire. L'UNESCO consigne toutes ses beautés naturelles ou humaines parmi le patrimoine universel de l'humanité. A défaut d'autres fioritures que nous ne pouvons exhiber, pourquoi ne pas imbriquer dans notre patrimoine immatériel cette culture de la bureaucratie et de la corruption que nous avons su élever au rang d'un art et d'une religion vernaculaires exceptionnelles. Peuple infantile sera mature, pourvu que dieu lui prête vie. C'est épouvantable de voir à quel point les gouvernements peuvent mépriser leurs peuples et penser que ceux-ci n'on pas de mémoire, donc aucune connaissance et ainsi pas une once d'espoir de changer leur futur. Même s'ils sont tenus devant un ectoplasme d'assemblée nationale à présenter un programme qui s'annonce à chaque fois plus prometteur et salutaire pour un peuple éternellement renfrogné et insatisfait, nos gouvernements ne doivent plus fanfaronner avant d'avoir la peau de l'ours et s'abstenir de déclamer qu'ils s'apprêtent à faire ceci ou cela. Nos Gouvernements ne doivent plus promettre à leurs peuples des rêves et de l'espoir. Ils doivent plutôt faire preuve de prudence et d'humilité et laisser à la postérité et à l'histoire la tâche de narrer leurs exploits ou de maudire leur règne. Les serments virginaux et les promesses perlocutoires proclamés solennellement s'entassent et s'accumulent par monceaux au point de devenir des montagnes de chimères, de mensonges et de trahisons. La promesse ou le serment fait par un gouvernement relèvent du sacré. On doit savoir si on a les moyens et la force nécessaires pour les réaliser. On rame jovialement à contre courant depuis cinquante années et ça devient pathétique de voir que l'on continue avec autant de fausse naïveté à considérer comme priorités nationales ces luttes permanentes , grotesques, absurdes et dignes des tragédies grecques. Il n'y a pour l'humain aucun fatum insurmontable que celui qu'il s'est lui-même imposé. Lutte contre la Corruption, lutte contre la bureaucratie, lutte contre la crise du logement ? Nous avons-nous-mêmes crée tous ces monstres, ces sphinx qui obstruent nos parcours, meublent nos discours et alternances au pouvoir et justifient nos piètres existences. Je tourne en rond, donc je suis ! Il a suffi d'une simple injonction émise à l'intention des collectivités territoriales et voilà que toutes les villes algériennes se retrouvent débarrassées de toutes ces kermesses qui ont régné et prospéré dans l'illégalité et l'impunité depuis presque vingt ans. Cela donne quand même à réfléchir. Etre ou ne pas être. Telle est la question fondamentale que doit se poser notre fameux droit régalien. En effet, l'Etat peut combattre tous ces monstres à condition qu'il n'en fasse pas partie ou qu'il cesse de figurer dans ce système de vases communicants. Pourquoi ce culte de Baal a-t-il été subrepticement réintroduit dans nos existences pleutres et avides d'espérances ? On ne pourra évoquer que seulement deux raisons, pour autant que celles-ci puissent perdurer nous n'avons aucune chance de voir un jour ce système pernicieux s'effondrer. Un citoyen désabusé, servile ou fourbe chaperonné par un Etat démissionnaire et laxiste ; Voilà le cocktail le plus dangereux qui puisse exister. N'ayant pas la possibilité d'énumérer tous les droits et privilèges que la Loi confère au citoyen et à l'électeur ; je me permettrais seulement de recommander humblement à chaque algérien de se doter d'un exemplaire de la Constitution et de certaines Lois et qu'il se donne le temps de les méditer. 1-Le gigantesque Pouvoir d'un citoyen minuscule. Ce que le citoyen aurait pu faire et qu'il n'a pas pu réaliser alors que la Loi le lui permettait et le lui permet encore et toujours pourra être résumé ainsi: -Le peuple étant la source de tout pouvoir et vu que la souveraineté nationale lui appartient exclusivement (01), celui-ci se donne des institutions qui ont pour finalité (virtuellement) une série d'actions incommensurablement bénéfiques (02) mais qui ne semblent hélas jamais correspondre à une réalité nationale et un vécu quotidien toujours décevants. -La Constitution algérienne ainsi que le Code Communal et la Loi d'Orientation de la Ville placent le citoyen au centre d'un pouvoir consultatif et décisionnel assez important qui aurait pu donner à cette démocratie participative toute son envergure si nous nous étions donnés le temps et la science nécessaires pour greffer dans l'intellect du peuple le souci de l'intérêt général tout en lui offrant la possibilité effective de mettre en pratique les attributions que lui confère toutes ces Lois. (3) Sachant que l'Information étant à la base de tout ce qui est vivant et/ ou agissant, ce citoyen à qui on avait dévolu tant de pouvoir sans jamais lui offrir l'opportunité de l'exercer évoluait tel un serf dans un fief qui était censé lui appartenir, mais toujours captif d'un système où l'opacité, le secret et les dissimulations de toutes sortes étaient de règle et faisaient justement la force de cette administration scélérate.La Convention des Nations Unies contre la Corruption a émis dans ce sens de pertinentes recommandations visant essentiellement à promouvoir de nouvelles mœurs politiques qui ont pour effet de démanteler le diktat de l'Administration et d'instaurer une gouvernance basée sur la transparence et l'obligation d'informer. (04) La Convention ne manquera pas aussi de recommander aux Etats de mettre en place un système incitatif qui mobilisera et encouragera toute action citoyenne qui contribuera à signaler des cas de corruption, étant entendu que l'Etat prendra toutes les mesures afin que ces dénonciations ne fassent point l'objet de représailles quelconques.(05).Nous signalerons au passage que les dénonciateurs, ce n'est pas ce qui manque en Algérie. Si la corruption a encore pignon sur rue, c'est surtout qu'à la place de ce « système incitatif » si essentiel à la lutte contre la Corruption, nos institutions circonspectes et suspectes ont brandi et médiatisé tout un arsenal juridique (06) plutôt dissuasif. Le législateur, soucieux de l'honneur de ces personnes innocentes si rares, a prévu certaines dispositions qui pourront paraitre légitimes sous d'autres cieux où la probité est de règle. Ainsi, ce paradigme juridique immunisant que l'on nomme pompeusement « La présomption d'innocence » devient un véritable scalpel à double tranchant qui a été exclusivement instrumentalisé pour terroriser les dénonciateurs impudents et imprudents. Considérant certains journalistes comme des oiseaux nuisibles, on a également pris le soin d'installer un épouvantail et d'intensifier les campagnes de caporalisation. Avec le célébrissime « Délit de presse », la boucle est bouclée et tout le monde pouvait vaquer à son business. Les affaires reprennent de plus belle et dans le meilleur des mondes.A l'époque du président Zéroual, les algériens habitués à ces réincarnations de l'Imam El-Mahdi, le pays était gorgé d'espoir et les médiateurs de la République se mirent à fanfaronner qu'il était temps « d'assainir l'Administration de ses éléments malhonnêtes ». C'était il y a presque vingt ans. La réponse du berger à la bergère, tout le monde la connait. L'Algérie a immédiatement connu sa période la plus fastueuse en matière de corruption et de gabegie. En 2006, le pays confectionne sa Loi relative à la prévention et la lutte contre la corruption, adaptation qui ne satisfait pas tout le monde. La Loi portant sur la déclaration du patrimoine témoignait de la même mauvaise foi à traquer ces indélicatesses chez nos amis d'en haut.
2- La faillite d'un édifice institutionnel miteux.
Bien évidemment, le Peuple se donne des institutions qui sont chargées de faire son bonheur conformément à ces vœux pieux de la Constitution algérienne (Article-8), mais l'histoire nous a démontré que celles-ci étaient rarement au rendez-vous. Toutes les assemblées confondues (Nationale-De Wilaya-Communale), la Cour des Comptes, L'I.G.F, la Justice et plus tard le peuple lui-même, enfin tout le monde regardait ailleurs pendant que les viols successifs se perpétraient sur le corps frêle de l'Algérie.En juillet 1996, Le président Liamine Zéroual met sur pied L'Observatoire national de surveillance et de prévention de la corruption (L'ONSPC), une montagne qui a accouché d'une souris. En l'an 2000 cette structure superflue et inutilement budgétivore sera dissoute en laissant un vide sidéral qui sera comblé en 2006 par le projet de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption. Il en fallu du temps pour que l'Etat se résigne enfin à donner vie à cet Organe national si attendu. Voyant ses prédécesseurs décriés, l'Etat s'évertuera à amplifier partiellement sa force de frappe. Tout le monde a les yeux braqués sur la pugnacité de ce nouveau venu. La qualité de ses moissons révélera son efficacité. On peut citer également par le passé cette fameuse Cour des comptes pétrifiée et cet appareil législatif trop accommodant. Pour la première, virtuellement opérationnelle depuis 1976, réajustée en 1989 puis en 1996 avec des prérogatives assez importantes seulement en théorie, sa mise en hibernation a énormément contribué à la propagation de toutes ces dérives. On se propose finalement de la réanimer. Pour le second, son piètre engagement sur la scène politique du pays ne semble guère illustrer l'étendue incommensurable de ses pouvoirs en matière de lutte contre la corruption ou de veille à la transparence financière. La question récurrente de l'auto saisine de la Justice a été au centre du débat : Le citoyen algérien a toujours eu du mal à comprendre comment la corruption a pu atteindre ce degré de pestilence en présence d'un édifice institutionnel qui quadrille l'ensemble du territoire, fort de toutes les prérogatives qui le somment d'intervenir et de s'autosaisir immédiatement chaque fois qu'il aurait à connaître de faits passibles de poursuites judiciaires , et Dieu seul sait que ces forfaits pullulent.En fin de compte, qu'est-ce qu'il y a lieu de faire après un demi-siècle de lutte harassante, après la création d'une myriade d'Office , d'Organes et de Commission consultative, après la résurrection de la cour des compte, la galvanisation de l'IGF, le remodelage de la Loi sur les marchés publics, le Credoc, les Sociétés d'Inspection avant Expédition(SIE), ainsi que toutes les autres mesures aussi inefficaces les unes que les autres. On a révoqué des magistrats et des walis, embastillé des centaines d'élus, des douaniers, des officiers de police, des chefs d'entreprises, des contrôleurs d'impôts, des banquiers...bref ! La moulinette de l'Etat n'a lâché personne, pas seulement du « particulier et menu fretin », il y avait aussi et surtout que du beau « Corps Constitué ». Ce n'était pas du linge sale, c'était plutôt des « cols blancs », des lampistes peut-être mais des commis de l'Etat quand même. L'Etat a passé le plus clair de son temps à se mettre en prison.Doit-on changer de peuple, doit-on changer d'Etat ou doit-on changer les deux ? Pour l'anecdote, je vous rappelle que votre journal n'a pas cessé de dénoncer toutes sortes d'affaires scabreuses (Malversations, corruption, détournement, attentat aux mœurs...) qui nous donnaient l'impression que la Justice allait immédiatement sévir. Dans cette Wilaya considérée comme l'Offshore de la concupiscence, Il en faut beaucoup pour mettre en taule ces larrons et ces satyres.
Références :
(01) Constitution Algérienne 1996 – article 6 (02) Constitution Algérienne 1996 – article 8 Constitution Algérienne 1996 – article 31 (03) -Constitution Algérienne 1996 – article 16 - Loi N°90-08 du 07 avril 1990 relative à la commune – article - 84 - Loi N°11-10 du 22 juin 2011 relative à la commune - articles 11 et 12 - Loi d'Orientation de la Ville du 20 février 2006 – article 2 (04) Convention des Nations Unies contre la Corruption - article 10 (Information du Public) et Article 13 (Participation de la société) (05) Convention des Nations Unies contre la Corruption – article 33 (06) (code pénal, art.144 et 144 bis et la Loi 06/01 du 20/02/2006 relative à la prévention et la lutte contre la corruption (art.46).