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Ces maires musulmans qui défrayent la chronique en occident
Publié dans Réflexion le 13 - 05 - 2016

Au bord de la Tamise, fleuve qui serpente le cœur de Londres, se dessine un destin inattendu d'un homme simple, issu d'une famille modeste habitant dans le « Council House », un HLM dans le « Tooting » au sud de Londres, le quartier des défavorisés dans lequel est né Sadiq Khan, il y a 45 ans, musulman, pour devenir le maire de la plus importante ville occidentale. C'est une vraie « success story ». Il a battu, sans appel, son rival le conservateur Zac Goldsmith, 41 ans, fils du milliardaire Jimmy Goldsmith, avec 57% des suffrages.
Sadik Khan, musulman d'origine pakistanaise du « Labour Party », vient de prêter serment ce samedi 7 mai 2016 pour succéder au charismatique conservateur, Boris Johnson. Sadik vient d'un milieu défavorisé dont le père fut chauffeur de bus et sa mère une couturière. Il a étudié le droit á : University of North London et a exercé le métier d'avocat, spécialiste dans le droit de la personne. Sadik fut ministre et est actuellement membre au parlement anglais depuis 2005 sous la bannière des travaillistes.
La bataille pour gagner les cœurs des londoniens a été féroce car c'était la bataille entre deux mondes totalement opposés. Khan, musulman, décontracté, chemise sans cravate, vient d'un milieu pauvre mais intelligent; pour convaincre son auditoire, il n'hésite pas à utiliser l'accent Oxfordien pour les nantis ou le « Cockney English » du milieu ouvrier. Goldsmith, juif, vient d'un milieu riche mais sans instruction, toujours sanglé dans son costume gris, s'adressant á son auditoire dans un anglais châtié mais creux; même ses gestes paraissaient précis et millimétrés dans les débats télévisés. C'est donc la richesse arrogante et hautaine contre la matière grise simple et modeste. Cette dernière a eu le dernier mot en dépit de la compagne de peur propagée par Goldsmith. Celui-ci ne se gênait pas à maculer son rival de musulman qui aime se frotter à l'extrémisme; un discours redondant et usé qui ne convainc que les islamophobes. Et même l'appui du premier ministre, David Cameron, était insuffisant. Les londoniens savaient faire la différence et voulaient entendre autre chose : comment améliorer le transport á Londres qui vient de dépasser les 8 millions d'habitants? Comment rendre le logement accessible aux gens de la classe moyenne et pauvre? Comment rendre Londres une ville plus sécuritaire? Sur ces questions, Khan était beaucoup plus convaincant car il connait le milieu des défavorisés alors que Goldsmith était perçu comme un fils á papa loin de toutes les inquiétudes des londoniens. Ce qui est remarquable chez Khan c'est sa fierté d'être musulman. «Je suis anglais, je suis londonien, je suis musulman et fier de l'être, et je suis fan de Liverpool » disait sans complexe devant l'establishment londonien. Sa confiance en soi était inatteignable; c'était son moteur de compagne qui l'aidait à faire face aux coups tordus des conservateurs. Quand il s'adresse aux siens, les musulmans, c'est avec « Bismi Allahi Rahmani Rahim, brothers and sisters...» qu'il entame son discours alimenté de versets coraniques sur la paix et l'égalité, des hadiths du Prophète Mohammed(SAW) sur le vivre ensemble, et des citations sur la justice sociale prônée par Al farouk, Omar Ibn Al Khatab (RA). Ces valeurs ont été mises en évidence car universelles.
Par ailleurs, il faut donner beaucoup de crédit à la démocratie anglaise, la plus veille d'Europe, qui va au-delà des clichés et des stéréotypes dont les anglais en sont fiers car ils savent séparer le bon grain de l'ivraie. Ils l'ont fait avec panache. Maintenant, le vrai challenge commence pour Sadik Khan, c'est celui de mettre en application ses promesses tenues durant de la compagne.
Sur la rive sud de la mer du nord, une autre ville á l'embouchure du Rhin et de la Meuse : Rotterdam, deuxième ville des Pays- Bas (la Hollande) et premier port européen qui compte 1200.000ha. C'est une ville très cosmopolite, dont le maire n'est autre qu'Ahmed Aboutaleb, 55 ans, venu tout droit du rif marocain pour rejoindre son père agent d'entretien á la Haye. Il avait 15 ans « La migration c'est sans pitié, terriblement difficile ; cela exige un prix incroyablement élevé » dira-t-il lors d'une interview en 2005. Il est maire de Rotterdam depuis le 5 janvier 2009. Il prône le dialogue multiculturel et la mixité raciale. Il mène une lutte sans merci contre toutes les formes d'extrémisme. En 2015, il a été élu meilleur dirigeant des Pays-Bas, selon un sondage réalisé par le magazine Binnenlands Bestuur. Les hollandais voient en lui l'avenir d'un bon chef du gouvernement. Pour autant, cet ingénieur électronicien, ne se détache pas de sa culture mère. Il s‘abreuve de la poésie arabe, peut être celle des Moulaquât de la période préislamique ou celle d'Al Mutanabbi de la période Abasside ou celle d'Adonis de la période moderne. Ce polyglotte avait même traduit les poèmes de ce dernier en langue néerlandaise pour faire découvrir aux hollandais la beauté de la poésie arabe.
A l'autre bout de la planète, là où le soleil termine son parcours planétaire, aux pieds des rocheuses se dresse la ville de Calgary en Alberta, 1 million d'habitants, ville pétrolière dans l'ouest canadien. Les habitants de cette ville ont longtemps fait confiance à un musulman, Naheed Nenshi, 44 ans, pour diriger leur ville depuis 2010. Naheed est un musulman de la branche ismaélite, né à Toronto et a grandi à Calgary. Naheed n'est pas le premier venu, c'est une personnalité, une légende. Outre sa bouille joviale garnie de lunettes carrées, un sourire permanent et des bouclettes noires, il possède une tête bien remplie. Il a fait des études de commerce à University of Calgary dont il a été élu président de l'union des étudiants. Par la suite, il a obtenu un Master en science des affaires publiques á la prestigieuse université de Harvard en 1998. Il avait créé sa propre compagnie de consulting pour conseiller l'organisation des nations unis afin de développer des stratégies pour la création des richesses. Il a occupé plusieurs postes dans le consulting en Alberta et a été professeur, entrepreneur, chroniqueur, auteur d'une étude sur le développement urbain. Il rentre en campagne municipale pour briguer un mandat de maire de cette ville des Cowboys et des Rednecks de droite. En dépit des attaques sur son quartier général de compagne et les E-Mails racistes propagés par la droite extrémiste, il a été élu maire de Calgary en 2010. C'est la première fois qu'un musulman occupe un poste de maire dans une ville importante en Amérique du nord. Depuis, il ne cesse d'accumuler les prix et les distinctions de prestige dont celui du meilleur maire au monde en 2014. Naheed a battu près d'un millier d'autres maires dans le monde. « Mon job est d'aider les citoyens à réussir et non de les faire respecter les règlements » disait-il au journal Actualité. Un slogan révolutionnaire qui, si á la surface il parait illogique, sa profondeur est substantielle ; autrement dit les règlements sont au service des citoyen et non l'inverse. C'est un concept consensuel duquel doivent s'inspirer les responsables de nos villes et Wilayate. Bref c'est un maire hors du commun, il faut lui consacrer tout un livre pour éluder ses réalisations et ses idées novatrices qui ont fait de Calgary une ville moderne, prospère, verte, propre dont l'administration est transparente et proche du citoyen, car devenu acteur dans la gestion et le développement de sa ville. Lui-même consacre 10% de son salaire aux œuvres charitables de sa ville. Il vient d'être réélu pour un second mandat avec 74% des suffrages. Qui dit mieux?!
Si on contemple avec acuité la réussite de ces musulmans, l'on constate trois éléments importants sur lesquels ils ont construit leur réputation de grands managers : le premier est l'éducation car ils sont tous bardés de diplômes, ils ont compris que l'acquisition du savoir et l'instruction sont la clef de la réussite; le deuxième est le travail acharné pour être au service du citoyen et le troisième est la confiance en soi. Ils n'ont pas fait de leur foi ou leur culture d'origine un frein psychique qui crée le sentiment d'infériorité, mais plutôt un moteur novateur qui balaye les clichés et les idées reçues selon lesquels l'islam n'est pas une religion compatible avec la démocratie et le progrès. Ils ont réussi leur intégration sans être assimilés. Ils ont su rester à la fois authentiques et pluriels. Thank you guys, God bless you all.


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