Une lumière crue sur la période occultée de la geste mitterrandienne durant laquelle le gouvernement prit la terrible responsabilité de relancer les exécutions capitales en Algérie. François Mitterrand et la guerre d'Algérie, de François Malye et Benjamin Stora. On croyait tout savoir sur l'attitude de François Mitterrand lors de la guerre d'Algérie. Et le fait est que l'on savait déjà beaucoup. Le principal mérite de l'ouvrage du journaliste François Malye et de l'historien bien connu Benjamin Stora est d'ailleurs plus dans sa vocation synthétique et diverses confirmations que dans des révélations fracassantes. Lorsqu'éclate ce conflit, François Mitterrand est ministre de l'Intérieur et, de ce fait, en charge de la sécurité des « trois départements » d'Algérie. C'est à ce titre qu'il prononce, en même temps d'ailleurs que bien d'autres, la phrase définitive : « L'Algérie, c'est la France. » Les auteurs soulignent que cette formule n'est en aucun cas une concession à un consensus mou, mais qu'elle reflète alors la pensée profonde du ministre. Mitterrand n'entreprend pas, c'est le moins que l'on puisse écrire, la répression à contrecœur, même s'il insiste par ailleurs sur les réformes sociales nécessaires (une autre façon, d'ailleurs, de masquer le caractère national de l'insurrection qui commence). Mais c'est sur le « second » Mitterrand que le livre apportera le plus d'informations, en tout cas au lecteur profane. Début 1956, Guy Mollet, qui dirige le nouveau gouvernement de Front républicain, confie à Mitterrand la direction de la justice. La simple association des termes « justice » et « Algérie », alors, donne le frisson. C'est ce gouvernement qui va assumer la terrible responsabilité de reprendre les exécutions capitales, toutes par la guillotine, en Algérie même, puis en métropole. La Constitution voulait que les exécutions capitales fussent soumises à l'approbation du Conseil supérieur de la magistrature, présidé par le pâle et suiviste René Coty, président de la République, mais dont la direction de fait revenait au garde des Sceaux. Or François Mitterrand, véritable ultime décideur, va mettre, dans 80 % des cas examinés (huit avis favorables à la grâce sur quarante-cinq examinés durant son ministère) son autorité en faveur de l'application de la peine de mort. Et « il n'y avait pas dans ses propos le moindre doute, la moindre inquiétude, la moindre hésitation ». Les auteurs s'interrogent : pourquoi cette exceptionnelle sévérité ? Ils répondent d'abord que le ministre, s'estimant en guerre avec le terrorisme, ne voulait laisser aucune équivoque sur sa volonté de répondre par une même terreur. Mais avancent également une seconde explication : considéré comme un homme politique d'avenir, il ne voulait pas, dans ce monde politique français acquis dans sa majorité à la cause du bellicisme, mettre en danger cet avenir possible.