La bataille de Sour, à Nafla, dans la commune de Hidoussa (Batna), le 4 avril 1959, constitue, selon des témoins, le summum de l'atrocité au regard de l'acharnement des militaires français sur les populations, civiles, même si cette région des Aurès, a vécu bien d'autres exactions durant la Révolution. La majeure partie des 128 martyrs qui tombèrent sous les balles coloniales, lors de cette bataille qui dura quatre jours, était constituée de civils innocents vivant dans cette région, ont indiqué ces témoins à la veille de la commémoration du 59ème anniversaire du déclenchement de la Révolution. Excédée par les pertes que lui faisaient subir les combattants de l'ALN depuis plus de cinq années, l'armée coloniale, dans son désir aveugle de vengeance sur les ‘‘fellaghas'', attaqua sans le moindre discernement une vingtaine de maisons collées les unes aux autres, se souvient Abdallah Djouamti (73) ans. Les forces françaises n'y allèrent pas de main morte puisqu'elles n'hésitèrent pas à utiliser l'aviation pour bombarder ce minuscule groupement d'habitations qui sera ainsi le tombeau de presque tous ses occupants, hommes, femmes, enfants et vieillards, ajoute le vieil homme, encore sous l'émotion plus de 54 ans après les faits. ‘‘C'était le 27ème jour de Ramadhan et j'ai vu assisté à la mort, dans leur sommeil, de quatorze membres de ma familles et de cinq de la famille Souhali, brûlés vifs. J'ai vu ma jeune épouse, enceinte de plusieurs mois, éventrée, le bébé encore en formation gisant à ses côtés'', raconte Abdallah Djoumati qui ne peut, cette fois, retenir des sanglots. Le vieux témoin, qui fait part de son incapacité à oublier ‘‘l'odeur de mort'' qui imprégnait les lieux et la ‘‘désolation'' des lieux, affirme que les pertes auraient été beaucoup plus importantes si des moudjahidine, basés sur une montagne voisine n'avaient pas réagi. Un traître à l'origine du massacre Abdallah Djoumati affirme que c'est un ‘‘biaâ'' (traître) qui fut à l'origine de cette attaque massive et disproportionnée. La veille de ce ‘‘jour noir'', dit-il, un important groupe de moudjahidine dirigé par le chahid Mohamed-Salah Benabbas avait trouvé refuge dans ce minuscule village dans sa route pour rejoindre la montagne surplombant le douar. L'information fut rapportée à l'armée française qui assiégea le petit village ‘‘sur terre et par les airs à 6 heures du matin, alors que les combattants algériens avaient quitté les lieux au petit matin, une ou deux heures auparavant. Ne pouvant rester sans réaction devant cette attaque visant des populations civiles et sans défense, les moudjahidine prirent position et firent feu à leur tour, abattant notamment un avion ennemi, raconte encore le vieil homme. La bataille Sour venait de commencer. La riposte des maquisards algériens sauva la vie à plusieurs centaines d'autres civils, les soldats consacrant leurs forces sur les monts d'où provenaient les tirs qui eurent raison d'un avion français, sans avoir le temps d'achever leur sale besogne, estime le même témoin. Des grenades attachées dans le dos L'un des rescapés de cette tuerie, Abdelmalek Souhali, aujourd'hui retraité, âgé de neuf ans au moment des faits, affirme se souvenir parfaitement de la séparation des soldats français en deux groupes. Le premier se mit à pilonner la montagne d'Intcharene, au moyen de l'artillerie et de l'aviation, tandis que le second assiégea la grotte de Benkermiche, près de Rehaouet, où s'étaient réfugiés de nombreux combattants de l'ALN après avoir été contraints de fuir le tir nourri des pièces d'artillerie. Ce témoin se rappelle de la résistance héroïque des moudjahidine qui empêchèrent, par leur bravoure, les soldats français d'accéder à l'anfractuosité. Une résistance qui conduisit les forces d'occupation à user des ‘‘stratagèmes monstrueux'' comme celui qui consista à attacher des grenades à même le dos de deux jeunes gens qu'ils ligotèrent et firent entrer de force dans la grotte, poursuit Abdelmalek Souhali avant de préciser que la forte explosion qui s'ensuivit tua 28 personnes. En signe de représailles, les forces françaises exécutèrent également le muezzin de la dechra, Messaoud Bennacer, et un cordonnier du nom d'Ahmed Sekhal. Pendant ce temps, dit-il la bataille de Sour se poursuivait avec acharnement entre soldats français soutenus par des B 29 et des moudjahidine sommairement armés mais d'un courage admirable. Abdallah Djouamti et Abdelmalek Souhali soutiennent que cette bataille de quatre jours ‘‘ne peut avoir fait 128 victimes seulement comme le consigna l'administration coloniale''. Cette bataille, considèrent les deux témoins, est une des étapes de la Révolution algérienne qui mériteraient d'être ‘‘dépoussiérées'' par les historiens, d'autant, affirment-ils également que stigmates de cet engagement de l'ALN sont encore visibles sur le théâtre des opérations.