"Benguennoun, poète populaire de la plaine de Ghriss", dernière publication du Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d'Oran, met la lumière sur l'une des icônes du Melhoun de la région Ouest du pays, dont la vie et l'œuvre méritent d'être connues. El H'bib Benguennoun, né en 1761 à Mascara, est un poète satirique et profane. Il a un riche répertoire inédit, car jamais publié, mais largement présent dans les cahiers et manuscrits des interprètes et amateurs de poésie melhoun. "Susceptible", tel que le décrit l'auteur de l'ouvrage, Ahmed Tahar, Benguennoun se servait de ses vers pour renvoyer la balle à ses détracteurs. "Jouisseur", selon l'auteur, le poète de Ghriss a chanté l'amour, l'ivresse et le plaisir jusqu'à la veille de sa mort, à 103 ans, se mettant à dos beaucoup de ses contemporains. Benguennoun s'est exercé à beaucoup de genres poétiques connus à son époque (El Zedjal, El kan ou kan, El Gouma, El Moualia), comme le reflètent quelques-uns de ses poèmes encore conservés. Toutefois, son thème de prédilection a été l'amour, dont il a connu les tourments dès un très jeunes. Eperdument épris d'une fille de sa tribu, il subit de plein fouet les affres de l'amour lorsqu'on lui refusa sa main en raison de la précarité de sa situation financière et sociale. C'est alors qu'il quitta l'école coranique où il peinait à décrocher le titre prestigieux de "Taleb" et devint officiellement poète, chantant son chagrin et déplorant sa mauvaise fortune. Ses aptitudes à la satire ont été également révélées par la même occasion, décochant à la tribu de sa bien-aimée de mordantes épigrammes, ce qui lui attire la haine de ses notables. Frappés par une terrible misère, l'année suivante, les membres de la tribu finissement par céder et lui accordent la main de la jeune fille. Le livre de plus de 230 pages contient, en plus d'une biographie de ce poète "lyrique peu prolifique mais très prisé", et une analyse de ses écrits et de sa langue, huit poèmes et leur traduction en langue. L'ouvrage a été écrit dans les années 1940 par Ahmed Tahar Ben Mohamed, un ancien enseignant de lycée à Mostaganem. Il a décroché "le prix de traduction en Algérie" en 1942, une distinction destinée à récompenser un ouvrage consacré à un poète populaire. Le manuscrit, jamais publié, demeure dans les archives en France, jusqu'à ce qu'il fut découvert au Centre des archives d'Outre-Mer (CAOM) d'Aix-en-Provence "par hasard", en 2005, par Ahmed Amine Dellaï, un chercheur du CRASC, spécialiste du Melhoun et de la littérature populaire maghrébine.