L'Algérie nouvelle avance "sereinement et tranquillement" vers la création d'une société en mesure de compter sur elle-même pour poursuivre le message de la victoire, de la construction et du renouveau en fidélité au serment des chouhada, a affirmé jeudi le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit, Laïd Rebiga. Intervenant lors d'une conférence historique organisée à l'occasion de la célébration du 60ème anniversaire de la fête de la Victoire, M. Rebiga a assuré que l'Algérie nouvelle avançait aujourd'hui "sereinement et tranquillement vers l'atteinte de l'objectif suprême de la volonté populaire en concrétisant les nobles significations de la démocratie constructive et efficace pour la création d'une société en mesure de compter sur elle-même pour poursuivre le message de victoire, de construction et de renouveau en fidélité au serment de la patrie et des chouhada". "L'importance du 19 mars 1962 est enracinée dans la conscience de chaque Algérien et Algérienne, une date qui leur inspire un sentiment de fierté de la victoire de la volonté des enfants de l'Algérie dans la bataille de la libération puis la bataille des négociations. Le Jour de la Victoire restera à jamais une valeur historique et humaine immortelle dans l'histoire de notre nation", a déclaré le ministre qui a relevé l'importance, 60 ans après cette date, de réfléchir sur les acquis de cette victoire pour l'Algérie indépendante, telle que voulue par les chouhada de Novembre. Evoquant les négociations d'Evian, le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit a affirmé que la décision de la révolution de s'asseoir à la table des négociations en soi "était une question importante, voire cruciale pour les Algériens face à un colonisateur qui n'aurait pas cédé à la négociation sans la force de la révolution, l'expérience de ses dirigeants et le contrôle de la situation par l'Armée de libération nationale (ALN)". "Après moult rounds tumultueux, le négociateur algérien a fait montre de clairvoyance politique et de génie diplomatique afin de remporter les négociations d'ailleurs sanctionnées par le cessez-le-feu et la réalisation de plusieurs acquis, conçus dans la Déclaration de Novembre comme étant des objectifs inaliénables quelles qu'en soit les circonstances, c'est-à-dire la défense de l'intégrité territoriale, de la nation algérienne et le recouvrement de la souveraineté", a-t-il rappelé. La bataille politique a été "une ligne de démarcation entre la volonté des ayants-droit à une vie décente et la volonté d'enterrer la dignité humaine et d'occuper les peuples, la justice qui ne s'éclipsera jamais de cette terre révolutionnaire en a été rendue", a martelé ministre. Ont assisté à la conférence des responsables de l'Etat, des moudjahidine et des universitaires, lesquels ont visualisé un documentaire qui a dépeint le processus des Accords d'Evian et les négociations menées par la délégation algérienne, avant d'assister à des communications scientifiques axées, d'une part, sur les négociations algéro-françaises, le rôle non aliéné de la Suisse qui a supervisé les pourparlers, le rôle de l'information dans le retentissement du statut de la guerre algérienne et, d'autre part, la consécration de la mémoire nationale. La conférence a été l'occasion de rendre hommage aux moudjahidine Ali Boughezala, Dahou Ould Kablia et Mohamed Mokrani, en considération et en reconnaissance de leurs sacrifices pour l'indépendance et la dignité. Les moudjahidine distingués ont, de leur côté, mis en avant le rôle du négociateur algérien qui n'a eu de cesse d'imposer ses conditions consistant en le recouvrement de chaque parcelle de notre terre bénie et l'attachement à l'indépendance. A été organisée en marge de la conférence, une exposition de photographies, de documents et d'articles de presse sur les négociations, parus à l'époque, pour commémorer l'anniversaire de la Victoire. Chronologie des négociations d'Evian ALGER - Le commandement de la Révolution algérienne a voulu laisser ouvertes les portes des pourparlers avec le gouvernement français en signe de bonne volonté, même s'il était convaincu d'avance que la partie française ne s'amenait pas facilement à des négociations sérieuses. La France tenterait de tirer les négociateurs algériens vers un simulacre de pourparlers stériles qui ne serait qu'une simple analyse des points faibles de la partie algérienne en vue de s'en servir plus tard. Les deux Envoyés du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), en l'occurrence Mohamed Seddik Ben Yahia et Ahmed Boumendjel se sont déplacés à Melun (France) et y sont restés du 25 au 29 juin 1960 pour entamer des négociations avec le Gouvernement français. Ce dernier, n'ayant pas fait preuve de bonne foi, a imposé des conditions rédhibitoires. Lors de son appel adressé au peuple algérien le 5 juillet 1960, le président du GPRA, Ferhat Abbas a exprimé sa vision, suite à l'échec des pourparlers de Melun. La Révolution a, toutefois, déjoué le plan machiavélique "Challe" à travers des manifestations gigantesques menées par le peuple algérien. Se trouvant entre le marteau de l'Armée de libération nationale (ALN) avec la montée de ses opérations spécifiques et l'enclume des activités diplomatiques du Front de libération nationale (FLN), la France a accepté cette fois de retourner aux négociations avec une médiation suisse. Les deux délégations se sont rencontrées, à nouveau, à Lucerne (Suisse) le 2 février 1961. Premières négociations d'Evian Initialement prévues le 7 avril 1961, les négociations d'Evian ont été retardées en raison de la crise politique française de l'époque et du rejet par le FLN de l'idée d'associer de nouvelles parties aux négociations, d'où le report de ces dernières au 20 mai de la même année dans la ville d'Evian, où ont fini par se rencontrer les délégations algérienne et française, conduites respectivement par Krim Belkacem et Louis Joxe. Après plusieurs séances tenues entre les 20 mai et 13 juin de la même année, les questions cruciales sont restées lettre morte, en raison de l'entêtement de la partie française qui voulait débattre du dossier du cessez-le-feu indépendamment du reste des dossiers, en attentant à l'intégrité territoriale de l'Algérie par la proposition de séparation du Sahara. Cependant, la partie algérienne a refusé de marchander les principes fondamentaux contenus dans la Proclamation du 1er Novembre 1954, ce qui a conduit Joxe à suspendre les négociations le 13 juin 1961. Pourparlers de Lugrin Les pourparlers ont repris à Lugrin (près de la frontière suisse) du 20 au 28 juillet 1962 mais sans succès, ce qui a amené le négociateur algérien à les suspendre, le Gouvernement français s'entêtant à ne pas reconnaitre la souveraineté de l'Algérie sur son Sahara. Le GPRA n'a repris ses contacts qu'après avoir arraché une reconnaissance formelle par le président français dans son discours du 5 septembre 1961, où il a souligné la reconnaissance par la France de la souveraineté de l'Algérie sur l'ensemble de son territoire y compris le Sahara. Avec la reprise des rencontres exploratoires les 28 et 29 octobre et 9, 23 et 30 décembre 1961, Saad Dahlab a rencontré Louis Joxe dans la ville française "Les Rousses" pour les négociations dans leur dernière phase, après s'être assuré du respect des principes fondamentaux et souverains lors des négociations de "Les Rousses" (les 11 et 19 février 1962). Les deuxièmes négociations d'Evian Après l'adoption de la mouture issue des pourparlers de "Les Rousses" par le Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), le GPRA a affiché son souhait de poursuivre les négociations officielles dans la ville française d'Evian, où la délégation algérienne qui comprenait, entre autres, Krim Belkacem et Saad Dahleb, a rencontré la délégation française conduite par Luis Joxe, pour un dernier round des négociations qui s'est étalé du 7 au 18 mars 1962 et qui a été couronné par la conclusion des accords d'"Evian", l'annonce du cessez-le-feu et d'une période de transition qui allai être suivie de l'organisation d'un référendum d'autodétermination. Le peuple algérien a mené une lutte héroïque pour le recouvrement de son indépendance et de sa liberté. Il a payé un lourd tribut de 1,5 million de chahid, des centaines de milliers de veuves et d'orphelins et des centaines de détenus et de prisonniers, outre la destruction de centaines de villages. En vertu des accords d'"Evian", le 19 mars 1962 est considéré comme date de cessez-le-feu à travers l'ensemble du territoire algérien. A cette occasion, le président du GPRA, Benyoucef Benkhedda, s'est adressé au peuple algérien pour affirmer que le cessez-le-feu constituait une victoire étincelante pour le peuple algérien. Le référendum d'autodétermination est organisé le 1er juillet 1962 et le "OUI" des Algériens l'emporte à la majorité écrasante pour consacrer l'indépendance de l'Algérie.