La Libye, en quête d'un rôle diplomatique majeur en Afrique, cherche à renforcer les liens avec des voisins proches. Des voisins avec qui Tripoli entretient des relations ambiguës, parfois instables. Avec la Tunisie, visitée ces deux derniers jours par Mouammar El Kadhafi, la Libye maintient une certaine constance dans les rapports, meilleurs au moins que ceux qu'elle a avec l'Algérie et l'Egypte. Les échanges commerciaux entre la Tunisie et la Libye ont dépassé les 2 milliards de dollars. La Libye est le premier partenaire de la Tunisie dans le monde arabe et en Afrique. Elle est en cinquième position après la France, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne. Tunis et Tripoli aspirent à renforcer cette position vers plus « de complémentarité et d'intégration » économique, l'objectif étant de créer une zone de libre- échange. Selon l'agence Tunis Afrique Presse (TAP), Zine Al Abidine Ben Ali a exprimé son souhait de faire avancer la réalisation des grands projets communs comme l'autoroute Sfax-Tripoli et l'interconnexion électrique. Actuellement, une quarantaine d'entreprises libyennes active en Tunisie, la plupart dans le secteur industriel. Les deux pays ont supprimé les barrières douanières depuis 2007, même si la Libye n'est pas encore membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Aucun produit tunisien n'est désormais interdit en Libye. De plus, les dinars tunisien et libyen ont été adoptés comme monnaie d'échange pour régler en liquide les transactions dans les deux pays. Cette mesure, entrée en vigueur l'année écoulée, permettra d'échanger les billets de dinars tunisien et libyen auprès des banques et bureaux de change agréés dans les deux Etats. Ni la Tunisie ni la Libye n'ont adopté ce genre de mesures pratiques avec leur principal voisin, l'Algérie. Les touristes libyens sont de plus en plus nombreux à visiter la Tunisie, avec une progression plus rapide que celle des Algériens ou des Marocains. Le travail de la commission mixte tuniso-libyenne est la plus régulière du Maghreb puisqu'elle est déjà à sa vingtième session. Sur le plan politique, El Kadhafi a déjà apporté son soutien à la candidature de Ben Ali pour la présidentielle. Ben Ali, qui a oublié sa promesse faite en 1987 de rompre avec « la présidence à vie », veut succéder à lui-même en 2008. La décision est qualifiée d'historique par El Kadhafi présenté par la presse tunisienne comme « Chef de la Grande Révolution du 1er-Septembre ». Mouammar El Kadhafi est arrivé au pouvoir le 1er septembre 1969. Il détient avec le président gabonais, Omar Bongo Odimba, le record du monde de longévité au pouvoir. Après ce long règne, sa succession est organisée à l'intérieur même de sa famille.Seif El Islam et Mouatassim, ses deux fils, sont en rivalité pour assurer « la continuité » dans les prochaines années. En Tunisie, c'est le 7 novembre, date du renversement du régime de Habib Bourguiba par Ben Ali, qui est célébré, remplaçant même la date de l'indépendance du pays, le 25 juillet. Alors que Tunis travaille en profondeur pour accueillir le futur secrétariat de l'Union pour la Méditerranée (UPM), fondée à Paris en juillet dernier, le colonel El Kadhafi n'a pas hésité à critiquer les pays arabes qui ont adhéré à cette initiative, les qualifiant de « faibles ». « Ils y sont allés contraints », a-t-il déclaré. Le président tunisien n'a fait aucune réplique à cette curieuse attaque de son invité ! Pire, El Kadhafi a même reproché aux pays maghrébins, dont l'Algérie, d'avoir respecté l'embargo aérien civil et militaire imposé à la Libye par l'ONU en 1992, à la demande des Etats-Unis. El Kadhafi a, par contre, salué les autres pays de l'Afrique qui l'auraient soutenu durant cette période difficile. Il ne croit pas à l'idée de l'Union du Maghreb(UMA). « L'UMA était minée par des dissensions », a-t-il déclaré, avant de dire dans un autre discours, « qu'aucun dirigeant politique n'est aussi fermement engagé que le président Ben Ali pour l'édification de l'idéal maghrébin ». Défendant la thèse des regroupements régionaux, il a estimé, dans une rencontre avec des universitaires, que le concept de l'Etat-nation est dépassé. Et pour rester « actuel », El Kadhafi s'est attaqué à l'Iran, pays soumis à une forte pression de l'Occident à cause du programme nucléaire. « Ce que fait l'Iran relève simplement de l'arrogance. En cas d'attaque contre l'Iran, ce pays subira le même sort que l'Irak », a-t-il déclaré.