Le mariage est un contrat qui lie deux êtres pour la vie et un contrat est par essence supposé défendre les intérêts des deux parties. Est-ce vraiment le cas dans les pays du Maghreb ? Pour répondre à cette question, le groupe américain de défense des droits humains Global Rights en collaboration avec un ensemble d'ONG locales activant dans les trois pays du Maghreb que sont l'Algérie, la Tunisie et le Maroc, ont lancé une série de consultations communautaires à l'adresse de 1474 femmes maghrébines âgées entre 17 et 85 ans. « L'échantillon choisi par les 15 ONG partenaires est assez représentatif dans la mesure où les femmes sondées appartiennent à différentes couches sociales, de différentes professions et niveaux d'instruction. Nous leur avons demandé quelle était leur connaissance des lois et de leurs droits dans un contrat de mariage et nous les avons invitées à faire des propositions pour la protection de leurs intérêts », explique la directrice régionale au Maghreb de Global Rights, Stephanie Willman Bordat. Dans les trois pays, les femmes ont soulevé l'existence d'une série d'obstacles face à leur volonté de demander des droits, notamment financiers et de partage des biens. Se déclinant sous différents ordres, à la fois familial, social et administratif, ces obstacles minent la relation de mariage avant même qu'elle ne soit contractée. « Le poids des pressions sociales est énorme. Certaines femmes disent craindre de demander des clauses de peur que le futur mari ne prenne cela pour de la méfiance ou une arrière-pensée, leurs familles font aussi pression sur elles pour sauver les apparences et ne pas pousser le futur mari à aller chercher une femme ailleurs », indique Stephanie Willman Bordat, qui note que sur le plan administratif les « aadouls » au Maroc ou les notaires et officiers de l'état civil en Algérie et en Tunisie ne remplissent pas leur rôle comme il se doit. « Ils ne se sentent pas obligés de notifier aux époux les droits de chacun, ils se contentent de certifier le contrat de mariage sans plus », dit-elle. Maître Asma Cherifi relève, pour sa part, qu'il y a une forte résistance face à l'introduction de clauses et conditions dans les contrats de mariage. « Il existe un vide juridique quant à l'application des nouvelles dispositions introduites dans le code de la famille et l'idée même de conditions est refusée », souligne-t-elle. Suite à cette série de consultations, un contrat de mariage modèle a été élaboré et présenté hier lors d'un séminaire à Alger sur l'utilisation stratégique du contrat de mariage. « Le contrat modèle est l'émanation d'une recherche juridique respectueuse des lois des différents pays et qui offre à la femme la possibilité d'exiger des droits sans subir les pressions sociales », indique la directrice de Maghreb Global Rights en notant qu'il s'agit d'un modèle standard déjà appliqué au Bengladesh et au Pakistan qui sont aussi des pays musulmans. Le contrat de mariage modèle comporte des dispositions sur les droits et obligations entre époux, stipulant notamment le choix du mariage monogame, le droit de l'épouse à travailler, à l'éducation et à la liberté de déplacement ainsi que le droit à l'intégrité physique et morale. L'époux s'engage, en outre, en vertu de ce contrat, à ne pas répudier sa femme et dans le cas où la répudiation est autorisée par les autorités compétentes, il devra verser une indemnité à sa femme pour non-respect de cette clause. Les époux sont aussi appelés à se mettre d'accord sur l'organisation de leurs relations financières de façon équitable. « Nous allons lancer, par le biais de nos partenaires dans les pays du Maghreb, une campagne de sensibilisation sur l'importance du contrat de mariage qui sera aussi un plaidoyer pour les gouvernants afin de mettre en place un contrat de mariage standard garantissant une équité dans les rapports conjugaux » conclut Mme Willman Brodat. `