Cette complainte interrogative poussée par une femme éplorée, au milieu de centaines de cadavres de Palestiniens massacrés à Sabra et Chatila, un certain 16 septembre 1982, est d'une brûlante actualité. « Winkoum Ya Arab ? » (Arabes, où êtes-vous !), sommes-nous tentés de hurler à la face de ces présidents de République héréditaires, de ces arrogants mais pleutres Raïs, et ces rois et roitelets de l'esbroufe tout juste capables d'écraser leurs peuples. Où êtes-vous planqués pour ne pas voir ces insoutenables images de corps affreusement mutilés et de bébés éventrés de vos frères palestiniens à Ghaza ? Etes-vous à ce point condamnés à subir l'ignominie et l'humiliation, vous misérables dirigeants, si fiers pourtant de montrer votre main de fer face à vos peuples que vous asservissez jusqu'à la jouissance ? Que vous reste-t-il aujourd'hui devant ce flagrant délit de non-assistance à peuple en danger à Ghaza ? Oseriez-vous vous regarder dans un miroir, vous les narcissiques dirigeants, dirigé à partir de Washington, Paris et Londres ? Comment allez-vous expliquer à vos sujets de citoyens votre laxisme et votre courbette devant le massacre de vos frères en Palestine ? On sait que la fierté chez vous se conjugue au passé. Un passé (dé)composé d'un monde arabe que vous avez maintenu pieds et poings liés pour faire plaisir aux grandes puissances et, bien sûr, pour assouvir votre amour pathologique du « koursi », du pouvoir. La puissance d'Israël n'a, en effet, d'égal que votre impuissance quasi congénitale à opposer votre veto à ceux qui le soutiennent. Les Etats-Unis n'avaient-ils pas eu recours aux bras armés arabes pour mâter la résistance irakienne durant la première guerre du Golfe ? Et cette fois, comble de l'ignominie, c'est à partir du Caire, le cœur palpitant de la « Ouma » que Tzipi Livni, la ministre des Affaires étrangères de l'Etat hébreu, annonça le génocide contre la population de Ghaza. Hosni Moubarak eut en effet l'exclusivité « du sol » de la déclaration de guerre de celle qu'il a invitée puis accueillie chaleureusement dans son palais. Pendant ce temps, la ligue arabe qui ressemble au « machin » de De Gaulle joue la vierge effarouchée sous la conduite d'un Amr Moussa qui affectionne les réunions de consultations et les conciliabules aussi nuls qu'inutiles. De l'Atlantique au Golfe persique, les pays arabes auront brillé par un scandaleux discours incantatoire qui se limite à dénoncer l'innommable. Une position exprimée dans les quatre coins du monde, y compris en Israël… Cette posture indigne de ces souverains tranche avec la rue arabe qui gronde rageusement là où les autorités ont condescendu à laisser leurs citoyens se défouler, ne serait-ce par leur voix. Et même ce SMIG de mobilisation n'est pas garanti en nos honorables « républiques ». Les régimes arabes craignent que ces marches de soutien au peuple palestinien — comme c'est le cas chez nous en Algérie — ne se transforment en procès public contre leur règne. La matraque va donc prêter main forte aux médias occidentaux qui tentent de minimiser les dégâts du Tsahal, afin d'étouffer ces voix plaintives. Le guide libyen Mouammar El Kadhafi a donc eu raison de fustiger les réactions « lâches et défaitistes » des pays arabes face à la boucherie de Ghaza. Il a eu ce courage de mettre à nu l'expédient honteux de la Ligue arabe qui convoque un sommet aux résultats terre-terre… « Combien de fois vous avez tenu un sommet extraordinaire pour la Palestine ? Qu'est-ce que vous avez fait ? (...) Moi, je ne veux plus entendre ce disque… »Le propos de Kadhafi est tellement vrai, tellement symptomatique du discours monocorde des dirigeants arabes réduits à pratiquer la diplomatie des petits fours. Ceci, bien qu'il ait lui aussi soldé ses comptes avec les USA en devises sonnantes et trébuchantes pour ne pas être inquiété. El Kadhafi n'est donc pas une exception arabe, il confirme plutôt la règle. « Winkoum Ya Arab ? » Ce cri résonnera aussi longtemps que la couardise n'aura pas déserté les régimes arabes. Israël l'a bien compris.