Annoncé en mars 2013 par un haut dignitaire chinois, le lancement d'un mégaprojet de nouvelles routes de la soie a jeté le trouble dans les pays les plus riches de la planète qui avaient perçu ce projet titanesque comme un péril pour leurs économies qui venaient à peine de se remettre de la crise financière de 2008. Beaucoup d'entre eux ont changé d'avis depuis l'élection d'un président américain qui prône et impose ouvertement le protectionnisme. Troublant par sa simplicité et son redoutable pragmatisme, le projet de nouvelles routes de la soie a en effet de quoi susciter des cauchemars aux dirigeants occidentaux qui auront bien du mal à contenir la déferlante de courants d'affaires qui utiliseront ces nouvelles voies commerciales. L'idée sur laquelle repose le projet d'ouverture de nouvelles routes de la soie est en effet simple. Elle consiste tout simplement à relier plus rapidement la Chine et l'Europe par le biais de trois routes. La première, ferroviaire, partirait du centre de la Chine pour aller vers le Kazakhstan, la Russie, la Pologne, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni. Une partie importante du rail n'a pas besoin d'être construite puis qu'elle existe déjà, notamment en Europe de l'Ouest, qu'il suffit seulement de relier aux nouvelles lignes à construire. En sus de ces voies de chemin de fer à mettre en valeur, il y a évidemment lieu de réaliser en complément un réseau routier tentaculaire qui irriguerait tous les pays ciblés. La voie maritime constituera la troisième nouvelle route de la soie. Elle partirait des ports européens (France, Grèce, Pays-Bas), traverserait la Méditerranée, le canal de Suez, la mer Rouge, l'océan Indien jusqu'au Sri Lanka, descendrait jusqu'à Singapour, puis remonterait vers Shanghai. Les pays d'Afrique du Nord, et, un peu plus tard, ceux de l'Afrique profonde, devraient se joindre au mégaprojet chinois, selon les déclarations de nombreux diplomates rapportées par la presse. Des déclarations apportées par les médias font déjà état de la signature prochaine d'accords entre la Chine et les gouvernements tunisiens, marocains et algériens. L'Algérie n'a du reste jamais caché son intérêt pour la proposition chinoise qui lui permettra, non seulement, de renforcer sa position de hub entre l'Europe et l'Afrique, mais également d'accroître le maillage de ses grandes infrastructures (route transsaharienne, autoroute Est-Ouest, autoroute des Hauts-Plateaux, nouvelles voies ferrées, nouveaux ports, etc.) qui lui permettront d'atteindre tous les pays du Maghreb sans exception et certains pays du Sahel. Elle s'est, de ce fait, facilement laissée convaincre ! Pour ce qui est de l'Afrique profonde, c'est le président chinois qui s'en est personnellement chargé en effectuant tout récemment une fructueuse visite en Afrique de l'Ouest. Une ceinture commerciale visant à intégrer économiquement l'Asie à l'Europe serait ainsi en bonne voie de réalisation pour le grand bénéfice de la Chine, mais également de tous les pays concernés. Chantier Pharaonique C'est, rappelons le, au début de l'année 2013 que la Chine a lancé, dans une totale discrétion, les premiers travaux de ce chantier pharaonique qu'ils ambitionnent d'achever à l'horizon 2030. Le financement du projet estimé à environ 1000 milliards de dollars ne semble pas poser problème, puisque la Banque de Chine s'est déjà engagée à investir 800 milliards de dollars dans plusieurs centaines de projets entrant dans la composition des nouvelles routes de la soie. A cette gigantesque manne financière est venue s'ajouter celle plus modeste (120 milliards de dollars) que promettent de fournir une vingtaine de pays d'Asie. Les capitaux mobilisés permettront de réaliser des milliers de kilomètres d'autoroutes, de dessertes ferroviaires, des ports, des pipes, etc. Les nouvelles routes de la soie ont beau englober une soixantaine de pays et, au minimum 4 milliards d'habitants, l'ambition chinoise continue à être perçue avec beaucoup de méfiance, notamment par les Etats-Unis d'Amérique et quelques pays d'Europe et d'Asie, qui craignent que la Chine ne cherche à gagner par ce biais le leadership du commerce mondial. Les initiatives en provenance du gouvernement chinois sont de ce fait souvent rejetées, la dernière en date provenant de l'Inde, qui craint que les nouvelles routes de la soie ainsi tracées (passage par le Cachemire contrôlé par son ennemi pakistanais) compromettent sa souveraineté. La toute récente décision de Donald Trump d'abroger les traités de libre- échange entre pays bordant l'Atlantique et ceux du Pacifique, a cependant contraint certains pays européens et sud-américains à reconsidérer leurs positions en mesurant tous l'intérêt qu'ils pourraient tirer d'une adhésion à ce méga-projet qui, «in fine», offre une large vision en matière de connectivité et de coopération à l'échelle planétaire. Des avantages considérables que ne garantit évidemment pas, la politique de repli sur soi défendue par le président américain.