L'auteur de Proscrit, Kateb Yacine, L'Homme libre, Le Fugitif, qui remet ça avec Talghouda, parle en exclusivité de sa nouvelle publication, mettant en exergue la vie et le parcours de Hamid Benzine. Contenir l'œuvre et le parcours du grand Abdelhamid Benzine n'a pas été sans nul doute un exercice facile... Raconter un aîné n'est pas aisé. On ne dira jamais assez d'un homme de la trempe de Hamid qui a été au confluent de toutes les luttes de ce peuple, comme il a été de tous les combats des différentes générations de journalistes. Hamid était une école. Mon ouvrage n'est ni plus ni moins qu'un travail de mémoire. Nous devons assumer ce devoir, parce que malheureusement l'histographie officielle est souvent frappée de myopie pour ne pas dire de cécité. Talghouda regorge de beaucoup de non-dits, non ? Elle est méconnue de beaucoup de jeunes d'aujourd'hui et c'est tant mieux. Talghouda est un tubercule indigeste qui ne pousse qu'en période de grande sécheresse. Elle est l'expression de la grande misère qu'a connue notre peuple durant la colonisation française, particulièrement dans les années 1940. C'est, en d'autres termes, l'expression de l'exploitation coloniale. Notre peuple a été réduit à l'état animal. La population autochtone n'avait d'autres choix que de consommer ce tubercule. Ne pensez-vous pas que retracer la vie et l'œuvre de grandes personnalités littéraires et journalistiques, telles que Mohamed Dib, Kateb Yacine, Abdelhamid Benzine, Noureddine Abba, Mouloud Mammeri, Abdelhamid Benhadouga, Rabah Belamri et autres, est une autre manière d'écriture l'histoire contemporaine du pays ? C'est précisément pour avoir négligé ce travail de mémoire que notre pays a aujourd'hui du mal à s'inscrire dans une perspective d'avenir. Il est impensable de constater que des sommités de la littérature algérienne ne figurent pas dans nos manuels scolaires, alors que certains d'entre eux sont enseignés en Tunisie et ailleurs. Cela est une insulte à la mémoire et à la dignité nationales. Il est inconcevable qu'un pays comme le notre soit dépourvu de culture bibliographique. Citez-moi un auteur algérien ayant été présenté aux lecteurs à travers une bibliographie digne de ce nom. Talghouda n'est-il pas une réplique à cet imaginaire histoire de Oued D'hab, l'invisible village du soldat allemand ? Je ne pense pas qu'il faille focaliser notre attention sur l'œuvre de Sansal, sinon on lui donnerait l'importance qu'elle n'a pas. Je ne porte aucun jugement sur l'œuvre littéraire, car nous devons veiller au respect de la liberté de création. Cela dit, Sansal a, dans un entretien accordé à un organe de presse français, déclaré que toute l'histoire du village allemand est basée sur des faits réels. Le problème est là, car il a bâti un roman sur un mensonge. Le village en question n'existe ni à Sétif ni ailleurs. Je le défie de nous le situer, la géographie de l'Algérie n'ayant pas changé. La véritable question qui nous interpelle aujourd'hui est de savoir pourquoi a-t-il choisi spécialement la région de Sétif ? Estime-t-il que la population de Sétif est fondamentalement pronazie ? Est-ce parce que « les embruns » des massacres du 8 Mai 1945 dérangent ceux qui pensent que la colonisation possède vertus et bienfaits. Talghouda relate simplement le vécu d'un peuple durant la dure période coloniale et le cheminement d'un grand militant. En parcourant votre roman, le lecteur averti remarque que la fiction et les faits historiques s'imbriquent… Le choix de l'écrit romanesque n'est pas fortuit. On peut dire l'histoire à travers le roman. Cette approche me donne de la distance pour rendre le texte plus attrayant au lecteur. J'ai également adopté cette approche pour susciter sa curiosité et lui faire connaître Hamid, cette icône du journalisme algérien. Ce premier tome, qui traite de 1931-1945, sera suivi d'un deuxième tome qui couvrira la période 1946-2003.