Le ministre de l'Intérieur a donné ordre de détruire tous les fichiers électoraux », a affirmé hier, lors d'un déjeuner-débat avec la presse, le premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), Karim Tabbou, qui dénonce une « volonté de ne laisser aucune trace de la fraude ». Le premier secrétaire du FFS, qui assure détenir cette information des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur et de P/APC de Boumerdès et de Tizi Ouzou, estime que « Bouteflika et ses sbires mériteraient le prix Nobel de l'escroquerie électorale ». Rappelant que son parti a contrôlé le vote dans plus de 200 communes, Karim Tabbou a indiqué que parmi les méthodes de la fraude figurent « la mobilisation inhabituelle des effectifs de policiers et de militaires, notamment en Kabylie et l'instruction donnée aux chefs de daïra de permettre le vote sans procuration ». Il citera, à titre d'exemple, « les campements militaires qui se déplacent pour effectuer des votes multiples d'une région à une autre. Les 900 militaires de Mechtras ont non seulement voté à Mechtras, mais aussi à Boghni et à Draâ El Mizan », dit-il. Le même responsable constate une autre anomalie, à savoir que « les présidents d'APC ont été ignorés par l'administration. Ordre a été donné par le ministre de l'Intérieur aux walis et chefs de daïra pour rentrer en compétition pour qui fraudera le plus. Le président d'APC de Draâ El Mizan a appris le jour du scrutin que le fichier électoral a augmenté de 5000 personnes », indique le deuxième homme du FFS. « Quel génie stratégique que cette version patriotique de l'opération jumelle menée à l'échelle nationale, grâce au soutien du grand protecteur à l'Elysée », souligne Karim Tabbou en affirmant que « Bouteflika a gagné sa réélection avec Toufik et Sarkozy, qui sont “les grands électeurs” ». « Nous avons eu en fait, a-t-il ajouté, une élection à deux tours, celle des grands électeurs et celle du 9 avril ». Commentant les chiffres de la victoire de Bouteflika, Tabbou estime qu'il s'agit « d'une synthèse entre Saddam et Mugabe » et de préciser que « Zerhouni et Bouteflika savent que les taux n'ont pas dépassé 20% ». « Des chiffres obtenus grâce à la sous-traitance maffieuse au niveau local. Et c'est là le signe de la clochardisation de l'Etat et des rapports sociaux. Il est à craindre que ces points d'appui maffieux couverts par l'Etat vont croire pouvoir tout faire » dit-il. Et d'ajouter, « ces chiffres sont une sanction à la politique et à la population. Une élection punitive contre le peuple car il a revendiqué la liberté ». Interrogé sur la disposition affichée du RCD de faire alliance avec le FFS, Karim Tabbou aura pour réponse : « Le FFS demeure attaché à l'éthique du débat apaisé. Il demeure également attaché à sa position politique de refus de toute alliance populiste, de hasard, sectaire ou tribaliste », indique-t-il en notant que « les alliances tribalistes » sont la négation de la démocratie. Cela, et de préciser que l'appel de Aït Ahmed est en totale symbiose avec les recommandations du dernier congrès du parti qui appellent à l'alliance avec les forces du changement. « L'alternative réside dans notre capacité d'écoute et d'action pour reconstruire le contrat de confiance avec la population et les forces du changement », dit-il. Ce dernier relève qu'il existe des forces vives dans la société qui doivent être structurées et mobilisées pour construire une réelle alternative, notamment « en ces temps où il est fort à craindre pour les libertés ». « Les chiffres annoncés renforcent l'idée du pouvoir d'avoir arraché la légitimité qui lui permet de tout fermer et tout brimer. Le système s'est structuré par un élargissement violent de la base du pouvoir. Une base composée d'individus sans scrupule et prête à tous les emplois. Mais en face, la société n'est pas structurée », précise Tabbou en soulignant la nécessité de restructurer la société sur des bases saines. En réponse à une question sur la déclaration du porte-parole du département d'Etat américain suite à l'annonce des résultats des élections, l'homme politique estime que « les chiffres annoncés ne sont plus de mise dans le monde moderne, le temps des despotes est fini. Cette élection ne peut donc susciter que doutes et prudence ». Et de noter en outre que « Bouteflika a obtenu sa réélection par un chantage sur le plan national et international. Les rentrées d'argent et le potentiel énergétique, ont représenté l'instrument du chantage diplomatique. Je ne pense pas qu'on puisse s'attendre à de réelles réserves. Le régime est conscient que la primeur est donnée aux intérêts et aux affaires avant les règles démocratiques ».