La disponibilité affichée par le leader du RCD à l'appel de Hocine Aït Ahmed pour la construction d'un front démocratique n'a pas trouvé de réponse tranchée chez le premier secrétaire du FFS. S'il n'applaudit pas franchement, il ne se montre pas hostile, cependant. La disposition favorable affichée par le leader du RCD à l'appel de Hocine Aït Ahmed pour la construction d'un large front démocratique, maintenant que les dérives despotiques du régime sont avérées, pour reprendre la rhétorique de l'opposition, n'a pas trouvé de réponse tranchée chez le premier secrétaire du FFS, Karim Tabbou. S'il a troqué, pour une fois, son discours au vitriol au profit d'un discours plus mesuré, Karim Tabbou a cependant rappelé les préalables qui doivent présider, à ses yeux, à toute initiative de construction démocratique. “Ce que je peux dire, c'est que le FFS a toujours lancé des initiatives. Il a toujours fixé des préalables. On reste attaché à la construction démocratique à plusieurs et on a toujours choisi le dialogue apaisé. Nous restons et demeurons allergiques aux alliances d'appareils, de hasard et populistes. Toute construction aux relents tribalistes et sectaires, on n'en fera pas partie”, a-t-il dit, hier lors d'un déjeuner-débat organisé à Rouiba, commune gérée par Merzouk Lakrouze d'obédience FFS. Ces préalables recoupent, faut-il le remarquer, ceux-là mêmes évoqués tout récemment par le leader du RCD. À la question des journalistes sur un éventuel rapprochement avec “le frère ennemi”, le premier secrétaire du FFS répond qu'“il ne s'agit pas de répondre à Sadi”. “Chacun a son point de vue, son commentaire. Et puis, l'appel d'Aït Ahmed n'est pas destiné à X ou à Y”. Le ton réservé et très prudent a vite fait de céder le pas à l'évocation des profondes divergences qui minent les deux partis phare de la mouvance démocratique et qui empêchent jusque-là d'esquisser l'ébauche d'un large front pour canaliser et cristalliser les forces démocratiques. “La construction démocratique, c'est sur le terrain. Tout est question des conditions de préparation. Lorsque nous avons boycotté les législatives, d'autres y ont participé. Pour nous, il y a une divergence de fond. Lorsque d'autres partis ont choisi la proximité avec le pouvoir, nous avons fait notre choix. C'est un grand sacrifice”. “La reconstruction démocratique passe par une reconstruction d'un contrat de confiance avec la population. Mais on ne peut pas construire un contrat de confiance entre des députés embourgeoisés et une société appauvrie. Il faut faire des sacrifices”, ajoute-t-il. La nécessité d'aller impérativement vers la fédération des forces du changement transparaît toutefois dans le propos. Que l'on en juge : “Jamais le pays n'a connu une telle offense. Il y a tout un dispositif pour imposer à la population une repentance. On est dans une logique de barricade du pays. Il y a un maillage policier du pays. On est face à une opération de destruction mentale et politique du pays. Bouteflika ne croit pas au pluralisme, c'est un despote.” “Mais malgré cela, poursuit-il, la population résiste et il y a aujourd'hui un besoin de rendre espoir à la population”. “Il faut accomplir des gestes pour réhabiliter la politique dans la société”, ajoute-t-il. Interrogé s'il ne craignait pas une éventuelle révision de la loi sur les partis, souvent évoquée par Zerhouni et qui sera inévitablement remise sur le tapis à la faveur de la carte politique de l'après-présidentielle, le premier secrétaire du FFS a admis que “c'est ça l'inquiétude qui vient de ces chiffres qui renforcent l'arrogance du pouvoir. Ils pensent qu'ils ont la légitimité pour tout brimer et tout fermer”, dit-il. Selon lui, la participation à l'élection ne dépasse pas les 18%. Et si le taux est monté en Kabylie, c'est en raison, affirme-t-il, de la mobilisation et des votes multiples des forces de sécurité. À cela, il faut ajouter la mobilisation des chefs de daïra. À Draâ El-Mizan, à titre d'exemple, le P/APC a découvert le jour du scrutin 5 000 nouveaux électeurs, selon Tabbou. “Il y avait une sous-traitance mafieuse au niveau local. Ce qui est inquiétant, c'est que l'Etat se clochardise. La campagne a révélé également une partie de l'argent de Khelifa”. Qualifiant les chiffres annoncés de “sanction infligée à la politique et à la population”, Karim Tabbou soutient que “Bouteflika mérite un prix Nobel de l'escroquerie électorale”. Il a révélé que Zerhouni aurait déjà donné ordre de détruire le fichier électoral au niveau local à l'effet de “ne laisser aucune trace de la fraude”. Enfin, sur la réaction de Washington, une position qui tranche avec celle dithyrambique de Sarkozy, accusé de complicité avec le régime, il estime que ces chiffres suscitent naturellement “questionnements, doute et prudence”. Karim Kebir