Le front social est en ébullition. Les praticiens de santé publique menacent de faire grève à partir de mai prochain, leurs collègues hospitalo-universitaires ont enclenché leur débrayage depuis samedi. Tout est question de revalorisation des salaires et d'indemnités que la corporation des médecins en particulier et de la famille de la santé en général revendique depuis des années. Savez-vous que les honoraires d'un médecin généraliste qui cumule 20 ans de travail ne dépassent pas la barre des 40 000 DA ? Le toubib est au plus bas de l'échelle sociale et le noble métier qu'est la médecine est tombé en disgrâce. Des semaines, voire des mois de grève, n'ont pas fait bouger les pouvoirs publics. Visiblement, la corporation de la santé aura beau paralyser les hôpitaux et les autres structures sanitaires, elle n'a droit qu'au mépris et à l'ingratitude. Pis, le malade qui en pâtit en premier dans ce bras de fer pèse très peu dans la balance. Tant qu'à faire le spectre de l'année blanche qui menace les étudiants en médecine également n'émeut plus personne. Cela nous rappelle la grève de quatre mois conduite, en 2003, par le Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest). La menace de l'année blanche n'avait suscité aucune inquiétude du côté d'El Mouradia. Le risque aujourd'hui est que le secteur de la santé vive le même feuilleton. En attendant que celui de l'éducation, qui bouillonne aussi, suive. La raison aurait voulu au moins qu'on prête l'oreille à ces mouvements sociaux qui grondent, en ouvrant, c'est le service minimum, les portes du dialogue. Tel a été également le vœu des contestataires qui réclament un peu d'égard et de considération. De la reconnaissance. La réponse a été toujours le mépris, l'invective et l'intimidation. Hideuse image, mais très significative sur l'état d'esprit de ceux qui gèrent le pays, que celle qu'offraient à chaque fois les enseignants bastonnés et humiliés par la police devant le Palais du gouvernement ou à proximité du siège du ministère de l'Education à un jet de pierre de la Présidence. Dans un pays où l'on tabasse un médecin, un enseignant ou encore un simple citoyen parce qu'il ose réclamer un brin de dignité en revendiquant ses droits les plus élémentaires est aussi grave que dégradant. Mais lorsqu'on veut régenter à tout prix la société, il est vrai que l'on ne se pose pas trop de questions sur le procédé. Et au-delà, on fait peu cas de ce qu'autorise la loi comme libertés syndicales ou tout simplement les libertés publiques. Seulement à trop jouer avec le feu, on risque de se brûler les doigts ! La contestation reprend alors de plus belle… Il sera surtout très difficile de satisfaire, dans un contexte de crise économique, une demande sociale à laquelle on a trop promis.