Le Liban organise dimanche prochain 7 juin les deuxièmes élections législatives depuis le retrait des troupes syriennes en avril 2005. Le pays tente de renouer avec une vie politique normalisée. L'intellectuel Nasri Sayegh expose ici les enjeux du prochain scrutin. Quelle est l'atmosphère politique à Beyrouth à trois jours des élections législatives de dimanche prochain ? Le climat politique est assez tendu. Et cette tension qui monte jour après jour ne baissera qu'à partir de minuit la nuit de vendredi à samedi qui signe la fin de la campagne électorale, lorsque candidats et médias seront interdits de s'exprimer sous peine de poursuites. Mais il reste peu de chance à chaque parti de changer les opinions des électeurs puisque chaque formation politique a déjà son ancrage communautaire. Deux facteurs seulement peuvent changer la donne et réserver des surprises : l'immigration et les Arméniens. On attend environ 15 000 immigrés libanais qui vont rentrer pour voter et ils sont issus des circonscriptions électorales les plus disputées. Les arméniens pour leur part, traditionnellement regroupés derrière leur parti, Tachnaq, peuvent créer la surprise s'ils votent en masse dans des circonscriptions chrétiennes où le vote reste très serré : Zahla, le Metn et Beyrouth 1. Parce que dans les circonscriptions sunnites et chiites, les résultats sont déjà clairs. La stabilité libanaise est construite sur un équilibre entre démocratie (loi de la majorité) et le consensus. Est-ce que le prochain parlement maintiendra cet équilibre ? Les différents partis y seront obligés ! Qu'ils soient majoritaires ou minoritaires, ils doivent gouverner ensemble. Jusqu'à avant dimanche, la majorité s'était tenue à former un gouvernement avec la minorité. Quand celle-ci s'est retirée, la situation a explosé dans le pays : une partie des politiques étaient dans le Grand Sérail (siège du gouvernement) et l'autre dans la rue ! Donc, la majorité issue du scrutin de dimanche est dans l'obligation de gouverner avec la minorité. Au Liban, les termes de majorité et de minorité ont également un autre sens : une minorité parlementaire peut représenter, en fait, une confession majoritaire dans la société. Israéliens et Occidentaux, ainsi que certains pays arabes, évoquent une victoire électorale du Hezbollah comme une menace… C'est une image qu'on veut ainsi présenter qui n'a rien à voir avec la réalité. Même sur le plan interne, on s'échange des menaces : les chrétiens alliés du Hezbollah tentent de s'appuyer sur lui pour faire peur aux chrétiens alliés à Saâd Hariri et aux Saoudiens, et ces derniers chrétiens tentent de faire peur aux premiers en brandissant leur alliance avec Saâd et Ryadh ! Sur le plan régional et mondial, il y a toute une campagne pour que la résistance cueille les fruits de ses gains politiques. Le Hezbollah est un parti politique, qui est dans le jeu politique depuis des années. Un parti allié avec un leader politique chrétien (Michel Aoun) qui est loin d'être un corrompu contrairement à la majorité de l'élite politique libanaise ! Quelle sera la nouvelle carte politique après ce dimanche ? Ce qui est le plus probable, c'est que l'actuelle bipolarité entre majorité et minorité devra s'estomper. Les deux ont gouverné le Liban ces quatre dernières années avec pour résultat un état de crise chronique. Il est prévu que des députés indépendants créent un bloc proche du président de la République (l'ancien général Michel Sleiman) pour lui offrir une voix au chapitre et une possibilité d'influer directement sur la composition du gouvernement.