Pour Saïd Sadi, l'avènement d'un changement est plus qu'une évidence. La génération qui a squatté le pouvoir depuis l'indépendance est épuisée, sans projet ni légitimité », estime le président du RCD, Saïd Sadi. Dans une tribune publiée dans le dernier numéro de la prestigieuse revue Diplomatie, le leader du RCD fait une analyse générale de la situation politique et sociale de l'Algérie d'aujourd'hui. De la confiscation du pouvoir en 1962 à l'avortement de l'expérience démocratique au début des années 1990, il retrace le processus de détournement du fleuve de l'indépendance par un régime qui refuse toute évolution. Mais il ne perd pas espoir. Pour lui l'avènement d'un changement est plus qu'une évidence. « La question n'est pas de savoir s'il y aura un changement en Algérie, mais d'en anticiper les procédures et la nature. La plus grande partie de cette problématique devra être résolue par les Algériens eux-mêmes », écrit-il en espérant que les partenaires européens « ne compliqueront pas cette transition aussi délicate que décisive pour les pays de la région ». En parvenant à cette conclusion, Saïd Sadi s'appuie sur une situation caractérisée par le divorce entre le régime et une société, composée en particulier de jeunes qui ne songent qu'à quitter le pays. « Le pays se dévitalise. Les cadres fuient. Il y a plus de 40 000 universitaires qui ont quitté le pays pour la seule région du Québec en 10 ans et la morgue d'Alicante comptait en novembre 2008 plus de 600 cadavres de jeunes naufragés avant d'atteindre les côtes espagnoles sur des embarcations de fortune. Chacun peut comprendre que cette situation est intenable », explique-t-il. L'auteur relève, dans ce sens, le paradoxe algérien : pays riche et population désabusée. La manne financière dont dispose le pays ne sert, selon lui, qu'au maintien du système. « Pour l'instant les 150 milliards de dollars de réserves de change dont dispose le régime travaillent au maintien du statu quo. Les dirigeants, persuadés que cette manne leur permet de ‘‘voir venir'', refusent la moindre évolution. Toute ouverture signifiant débat est éventuellement réforme, les responsables algériens ferment portes et fenêtres », soutient-il. Comment se maintient le système algérien ? Saïd Sadi en cite deux procédés. Il y a d'abord la banalisation de l'arbitraire. Démarrant de l'agression, le 10 avril dernier, du siège du RCD par une bande conduite par un maire de la capitale, il relève que la violence est incrustée dans les mœurs politiques du pays. Alors qu'il était acculé vers la fin des années 1980 par « une population excédée », le régime a trouvé son salut dans l'intrusion d'un autre facteur. Il s'agit, souligne-t-il, de « l'irruption islamiste ». « C'est l'irruption de l'intégrisme qui sera à l'origine du frein mis à l'une des expériences pluralistes les plus crédibles du monde musulman d'alors », enchaîne-t-il. Le FIS qui, précise-t-il, n'a fait « qu'accompagner la rue, faute de pouvoir imprimer une quelconque orientation à une gigantesque jacquerie » a aidé le pouvoir à se régénérer. Comment ? Saïd Sadi écrit : « Se produisit alors une situation comme seule l'histoire sait en créer : des militants démocrates, plusieurs fois emprisonnés et torturés par le régime militaire, se retrouvèrent objectivement sur la même ligne politique que leurs geôliers pour arrêter la poursuite du processus électoral, dès lors que l'islamisme primaire du FIS exigeait de tout Algérien » de se soumettre à la loi de Dieu, de quitter le pays « ou de subir la rigueur des tribunaux populaires qui se dressaient en pleine rue moins de trois jours après sa victoire aux législatives de 1991 ». Selon le président du RCD, « sans cette éruption, la société algérienne, continuant à harceler un régime discrédité, usé et divisé aurait pu au minimum l'amener à un compromis à même d'initier une transition pacifique au mieux à une abdication qui, gérée par les forces démocratiques, n'aurait pas été fatalement une nuit des longs couteaux », souligne-t-il.