L'entreprise nous a aimablement ouvert ses portes en toute simplicité. Le siège de la direction générale, située à Staouéli, est discret. A peine une petite enseigne gravée devant la porte d'entrée en décline l'identité. «Amnal est une entreprise publique créée, en octobre 1993, à l'initiative de six banques publiques et deux compagnies d'assurance. Avec l'insécurité grandissante due au phénomène du terrorisme, ces banques ont voulu créer une filière qui se chargerait de la sécurisation de leur transport de fonds», explique Liès Laïd, directeur central chargé de l'exploitation. Ainsi, contrairement à une idée reçue, Amnal n'est pas une société de gardiennage privée. Les six banques dont il est question ici sont :la BDL, la CNEP, le CPA, la BNA, la BADR et la BEA. Quant aux compagnies d'assurance, il s'agit de la CAAR et de la CAAT. Il faut noter que si le transport de fonds est sa spécialité, Amnal s'est investie également dans deux autres activités liées directement à la sécurité : le gardiennage et la sécurité électronique (les systèmes de vidéosurveillance notamment). L'entreprise emploie plus de 5000 personnes, dont 300 convoyeurs de fonds professionnels, le reste étant affecté aux activités de gardiennage. Comme les autres sociétés de sécurité, Amnal est donc née dans une conjoncture extrêmement critique. L'entreprise connaîtra très vite une expansion vertigineuse, en ouvrant des directions régionales un peu partout jusqu'à couvrir tout le Nord du pays. Dans le Sud, c'est surtout la région de Hassi Messaoud, avec une antenne à Ouargla, qui est couverte. «Nous ouvrons nos structures en fonction de la densité bancaire dans une région donnée», explique Liès Laïd. Si les sociétés de gardiennage appartiennent pour bon nombre d'entre elles à d'anciens militaires, gendarmes et autres commissaires, Amnal, elle, est dirigée par un staff issu plutôt des milieux financiers. «Je dois être le seul civil dans ce secteur», ironise son DG, Mohand Mounsi, un banquier de carrière, qui était directeur général adjoint de la BDL, avant de rejoindre Amnal. Son bras droit, M. Laïd, est issu du milieu des assurances. Les premières années ont été celles du terrorisme qui battait son plein. Mais paradoxalement, c'est au moment où la situation sécuritaire semblait connaître une certaine amélioration, que surviennent les premières pertes. Les convoyeurs de fonds à l'épreuve du terrorisme C'est ainsi que le 14 juillet 2003, un véhicule d'Amnal, une 405 blindée, avec trois hommes à bord (un chauffeur, un convoyeur et un aide-convoyeur) sont surpris par une violente attaque terroriste au lieudit Yehlem, près de Aïn El Hammam. Bilan : trois morts, en l'occurrence les trois agents d'Amnal, et une somme de 10 millions de dinars subtilisée par les assaillants. Un an plus tard, le 29 novembre 2004, un autre véhicule d'Amnal est attaqué en Kabylie toujours, cette fois du côté de Bouzeguène. L'attentat se solde par un mort, deux blessés, et 150 000 euros volés. La vidéo de cette dernière attaque circulera longtemps sur Youtube. «Malgré la persistance du risque terroriste, Amnal ne s'est jamais retirée des zones les plus dangereuses et n'a à aucun moment suspendu ses activités, même au plus fort du terrorisme», dira M. Bendris, DAG de l'entreprise. Toutefois, il est utile de signaler que suite aux deux attaques meurtrières essuyées en Kabylie, Amnal a été interdite d'activité dans la wilaya de Tizi Ouzou par le ministère de l'intérieur, interdiction qui court jusqu'à ce jour, comme nous l'explique le DG Mohand Mounsi (lire interview). Ce qui inquiète les services de sécurité, c'est, en l'occurrence, la velléité de voir des fonds atterrir dans les caisses des groupes armés et leur donner ainsi les moyens de se redéployer. Par ailleurs, il faut savoir que malgré les risques encourus, Amnal n'a pas le droit de solliciter des renforts ou une escorte des services de sécurité. «Le défunt Ali Tounsi disait que ce n'est pas la mission de la police, celle-ci devant se cantonner à faire respecter l'ordre public», explique Liès Laïd. Virée au parc de l'entreprise. Celui-ci est aménagé dans le sous-sol d'un immeuble. Un fourgon de réserve, de marque Mercedes, y est parqué. Les autres véhicules sont tous de service. Liès Laïd nous fait visiter le poste de commandement d'Amnal dirigé par un ancien commissaire divisionnaire. Sur un tableau sont affichées les missions du jour. «Il y a les points programmés et les points sur appel», nous explique-t-on. Amnal effectue quelque 600 rotations quotidiennes à travers l'ensemble de ses clients, évalués à 936 agences bancaires (sur un millier d'agences publiques). A Alger seule, plus de 290 rotations sont effectuées quotidiennement. A noter qu'en cas d'attaque ou de vol, les clients d'Amnal sont remboursés dans un délai d'un mois à concurrence de 250 millions de dinars. La DGSN à la rescousse pour des sessions de formation Convaincue que la qualité de sa prestation dépend, dans une large mesure, de la qualité de ses véhicules, Amnal consent un investissement lourd pour la modernisation de son parc. Finies les anciennes 504 «sous sérum» (dixit Laïd) qui étaient pour les convoyeurs de fonds de véritables cercueils roulants. 500 millions de dinars ont été ainsi injectés pour l'acquisition d'une nouvelle gamme de véhicules de très haute technologie, pour un chiffre d'affaires de plus de 2 milliards de dinars, indique le directeur général. L'entreprise s'est alors offert «32 fourgons Mercedes, suivis de 18 autres de marque Renault Mascott de conception Amnal» se félicite le directeur de l'exploitation. «Notre logistique n'a rien à envier à celle de la Brink's», commente M. Laïd. Pour les néophytes, la Brink's fait ici référence au géant américain du convoyage de fonds, qui existe depuis 1859 à l'initiative d'un transporteur ingénieux de Chicago du nom de Perry Brink, qui inventera carrément le métier de transport de fonds. La Brink's, faut-il le souligner, est très intéressée par le marché algérien, après avoir raflé le marché marocain. «Mais les autorités algériennes lui ont signifié un niet catégorique», assure-t-on chez Amnal. L'on apprend dans la foulée que «Khalifa s'apprêtait à acquérir pas moins de 200 fourgons blindés pour faire du transport de fonds, mais sa chute brutale en a décidé autrement». Vu le caractère sensible de son activité, Amnal, comme toutes les entreprises «civiles» intervenant dans le secteur de la sécurité, se verra confrontée à un problème de taille : celui du recrutement, les effectifs disponibles étant peu et mal formés. «Après les attaques terroristes que nous avons subies, nous avons formé trois sessions à l'Ecole de police de Soumaâ en collaboration avec la DGSN», confie Liès Laïd. «Nous avons formé 220 agents de convoyage et avons prodigué une formation également aux chauffeurs en les entraînant aux techniques de conduite d'un véhicule blindé, en leur apprenant comment éviter un barrage suspect dressé sur la route» ajoute le directeur de l'exploitation. M. Mounsi nous a affirmé que cette collaboration avec la DGSN va se poursuivre pour la formation d'instructeurs qui vont, à leur tour, encadrer la deuxième génération de convoyeurs de fonds.