Pas moins de 60 feuilletons sont actuellement diffusés par 400 chaînes pendant ce mois, certes, sacré, mais synonyme de rude concurrence entre des chaînes qui se battent à coups de grosses productions et de grands noms pour attirer les annonceurs. Le Ramadhan « est le mois le plus attractif pour les publicitaires », affirme au Caire le critique de télévision Adel Abbas, selon lequel le budget alloué à la publicité en Egypte est d'environ 500 millions de livres (100 millions de dollars) pour la seule période du jeûne, soit 40% du budget annuel. Selon des experts cités par le quotidien d'Abou Dhabi The National, 30 secondes de publicité coûtent en moyenne 3362 dollars pendant le Ramadhan cette année. Mais avec la crise, disent-ils, le marché de la publicité a baissé de 26% aux Emirats pendant le premier semestre 2009 et de 5% en Arabie Saoudite. « Etant donné que l'audimat pendant le Ramadhan est le plus élevé (...), les télévisions s'efforcent de générer le plus de revenus publicitaires possibles afin de renflouer leurs budgets, entamés par la crise financière mondiale », affirme le quotidien Egyptian Mail. Les grandes télévisions, comme la chaîne à capitaux saoudiens MBC 1, comptent donc sur cette période pour redresser leurs recettes publicitaires, alors qu'une heure de production, tous programmes confondus, coûte 70 000 dollars. Le magnat égyptien de la publicité Tareq Nour a même créé une chaîne qui n'existera que le temps du Ramadhan. Mais cette profusion de moyens provoque la colère de certains dans la région. Ils jugent que le petit écran fait une concurrence déloyale aux aspects spirituels du mois de jeûne musulman. « C'est un mois consacré à l'introspection, un mois de compassion, de patience et de discipline », écrit le journal Arab News, convaincu que les feuilletons, médiatisés jusque sur d'énormes pancartes dans les rues, « vont éloigner les téléspectateurs de leur foi ». « Ce marathon frénétique et cette overdose de programmes télévisés transforment ce mois et toute sa spiritualité en un moment de distraction quelconque », renchérit un prédicateur égyptien, cité par l'Egyptian Mail. « Les auteurs de ces programmes encourent la colère de Dieu parce qu'ils distraient les musulmans de la valeur sublime du Ramadhan afin de faire des gains matériels. » « Les familles doivent passer au moins 60 heures par jour à regarder la télé si elles ne veulent pas rater les feuilletons, dont la durée est allongée par le nombre de spots publicitaires », indique le critique Achraf Bayyoumi. Pour la seizième année consécutive, MBC 1 diffuse le feuilleton saoudien à succès Tach ma Tach, qui met en scène les tribulations de deux compères s'attaquant au conservatisme de la société saoudienne. En Egypte, deux feuilletons semblent remporter la préférence du public : Ana qalbi dalili (mon cœur est mon guide), un portrait de la défunte chanteuse juive égyptienne Layla Mourad, et Matkhafouche (n'ayez pas peur), qui aborde le conflit israélo-arabe. Le célèbre feuilleton Bab al hara (la porte du quartier), qui met en scène le quotidien d'une famille damascène dans une Syrie sous mandat français, se taille aussi un franc succès, surtout chez les Palestiniens qui disent s'identifier à la lutte des héros contre l'occupation.