Le suicide, sujet longtemps tabou, a fait l'objet d'un séminaire national à la Bibliothèque d'El Harrach (Alger), hier. Même si le pays connaît un des taux les plus bas dans le monde (2,30 pour 100 000 habitants), il demeure un problème de santé publique important. Son importance ne se mesure pas dans les chiffres recueillis par les services hospitaliers ou de la Protection civile mais par l'absence de prise en charge de ce phénomène naissant. Le paradoxe est tel qu'il a été recensé 4571 suicides entre 1994 et 2003 et qu'en même temps pas moins de 6000 psychologues sont au chômage. 6000 personnes qui permettraient de remédier au fléau ou du moins l'infléchir. Les idées et les réflexions pour prendre en charge les personnes au comportement suicidaire sont multiples, mais encore à l'état embryonnaire. « L'objectif donné à cette journée est d'identifier de près le problème du suicide », annonce le président d'APC d'El Harrach, M. Abzar. Parce que l'APC d'El Harrach a recensé un nombre croissant de suicides dans sa commune, son président a pris l'initiative de convoquer des spécialistes autour de ce phénomène. « Nous avons comptabilisé 21 cas de suicides en 2000. Il est de 38 en 2004 pour notre seule circonscription », déclare M. Abzar. Ont été conviés à ce travail de recherche et d'échange des spécialistes du secteur médical et de la santé mentale. Tous ont côtoyé des personnes qui avaient attenté à leurs jours. Il apparaît à la lumière des chiffres recueillis que 7 wilayas totalisent un nombre élevé de suicides (48%). Il s'agit en premier lieu de la wilaya de Tizi Ouzou qui représente 13% de la totalité. Puis viennent Batna, Béjaïa, Sétif, Alger, Aïn Defla et Tlemcen », indique le président de la Forem, M. Khiati. Les causes sont multiples et diverses. Il n'existe pas un facteur déclenchant. A titre d'exemple, il ne peut être affirmé que le chômage pousse au suicide puisque les régions du sud du pays, qui sont connues pour recenser le plus de jeunes sans travail, ont pourtant les taux de suicide les plus bas. La tranche d'âge la plus touchée se situe entre 18 et 50 ans. En Europe, ce sont surtout les adolescents les plus sujets à cet ultime recours. Pour reprendre le cas algérien, de nombreuses interventions ont permis de mettre en exergue le rôle de la situation familiale. Les crises à l'intérieur d'un couple ou l'autorité abusive du père ou des frères « semblent être des motivations nécessaires à certaines jeunes fille pour attenter à leur vie », est-il relevé. Le cas d'une jeune fille qui venait d'avoir son bac mais dont les études à la fac étaient compromises suite au refus catégorique du père a été soulevé. Cette dernière, par détresse ou pour tirer la sonnette d'alarme, a fait une tentative de suicide. Le cas d'une femme dont le mari est alcoolique et violent ou le cas d'une jeune fille de 22 ans que l'on marie ne sont pas des exemples tirés par les cheveux. Un espace de liaison, un médiateur ou des psychologues permettraient à ceux et celles qui sont en souffrance de communiquer. La communication ouvre la voie à la guérison et éviterait ce type de dérapage. A ce titre, le séminaire a convenu de la création d'un espace national de communication ouvert à toutes les compétences.