Le Festival international du film de Toronto s'est achevé. Les chants, les musiques, les dialogues, les images du monde qui se côtoyaient et se parlaient reviendront l'an prochain dans cette ville étonnante qui est à la fois canadienne, indienne, chinoise, kurde, arabe, turque, sépharade, grecque, thaïe et qui nous donne à voir tous les cinémas du monde. On va regretter Toronto, l'accueil de grande classe, les Cadillacs qui roulent pour les invités et les films venus en grand nombre des cinq continents. Le festival aura un toit sur sa tête dès l'année prochaine, un rêve caressé depuis longtemps par Piers Handling, directeur général du Festival, et ses collaborateurs. Cannes a eu son bunker pas très beau. La Mostra de Venise attend toujours son palais. Toronto va inaugurer Bell Lightbox, un gratte-ciel de verre et d'acier élégantissime construit par Bruce Kawabara à l'angle de King et John streets, downtown. Ce sera son siège permanent avec des salles de projection totalisant plus de mille sièges, grâce à un fort investissement d'argent public et de dons privés. Les afficionados du cinéma d'auteur, et même ceux qui vont à Toronto pour les stars et le business auront une seule adresse : Bell Lightbox. Le cinéma d'auteur était majoritairement présent au 34e Festival de Locarno. L'Algérie était représentée par London River de Rachid Bouchareb, le Portugal par le joyau et dernier opus de Manoel de Oliveira : Excentricités d'une blonde, d'après le roman d'Eça de Queiroz. La France par Le Refuge de François Ozon, une histoire hallucinante et superbement filmée sur les troubles familiaux dans la haute bourgeoisie parisienne, des gens sans amour, sans sentiment, plein d'égoïsme. Ozon a déjà montré, comme ici, la complexité, la fragilité, le mal de vivre dans un certain milieu familial en France. La Grande-Bretagne a envoyé le coup d'essai — coup de maître — de Jordan Scott (il s'agit de la fille de Ridley Scott) qui a filmé une très belle histoire et certainement tragique aussi dans Cracks, qui se passe dans les années trente, dans une « boarding school » très huppée et les fragiles relations entre une enseignante et ses élèves (des filles) qui basculent dans la tragédie. D'Italie, un des plus beaux films du Festival de Toronto cette année se passe à Milan : Io sono l'Amore, du cinéaste sicilien Luca Guadagnino. Ce cinéaste a dû apprendre ses leçons chez Luchino Visconti. Dans le Milan industriel d'aujourd'hui, voici un empire familial qui s'effondre. La famille Recchi à l'apogée de son opulence subit un revers catastrophique de fortune. Ils habitent une villa splendide avec cérémonial et train de vie de haute volée, raffinement des manières et de vêtements. Et soudain, c'est la crise et leur manufacture de textile est vendue à un Indien. C'est la chute finale, la perte du statut et de la cohésion familiale. Les relations avec les enfants éclatent. C'est la grande actrice Tilda Swinton qui jour le rôle de la mère avec l'étiquette de la haute bourgeoisie qui soudain s'effondre. Le film de Guadagnino est réalisé avec une sophistication extrême. C'est encore une fois digne du Guépard de Visconti et des splendeurs de ses autres films.