J'ai peur de vous dire que vous avez fait du bon boulot de crainte de vous voir dormir après. » C'est ce qu'a lancé hier le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, aux différents maillons de la filière céréales pour leur signifier qu'il ne fallait pas dormir sur ses lauriers après la production record réalisée cette année. Certes, la campagne moissons-battages de la saison 2009 a été exceptionnelle avec une récolte qui dépasse les 6,1 millions de tonnes, mais le ministre estime qu'il n'y a pas lieu de pavoiser tant qu'on n'aura pas consolidé ce résultat pour les prochaines années. D'autant plus que le bilan rendu public hier a démontré l'existence de certaines insuffisances notamment en matière d'équipements et de stockage qui nécessitent qu'on y remédie. D'ailleurs, c'est ce qui a poussé M. Benaïssa à user un ton prudent et d'éviter les discours triomphalistes. « On ne doit pas crier victoire », a-t-il affirmé. Il ne s'agit pas, selon lui, de dévaloriser le travail accompli par les 700 000 personnes qui ont contribué à la performance enregistrée cette année mais de penser d'ores et déjà à la nouvelle saison. Le premier défi que les céréaliculteurs devront relever sera de minimiser les pertes qui ont atteint 12% de la production cette année, soit un peu moins de 800 000 t. Ces pertes sont imputables à la non-maîtrise de l'itinéraire technique, à la vétusté des machines utilisées et à un degré moindre aux incendies et reconversion en fourrages. « Plus on avancera en termes techniques, plus ce taux va diminuer », estime le ministre, qui notera qu'une amélioration a été constatée par rapport au début des années 1990 où les pertes étaient entre 20 et 30%, selon une étude de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Le ministère espère en outre orienter les agriculteurs vers la production de blé tendre qui reste faible par rapport aux autres céréales (blé dur et orge). « Il faut semer le blé tendre plus que l'orge », a insisté M. Benaïssa. La production obtenue sur champs pour le blé dur a atteint cette année 2,43 millions de tonnes, le blé tendre 1,13 million de tonnes et l'orge 2,4 millions de tonnes. Les prix d'achat incitatifs instaurés par le gouvernement, indexés en 2008 aux cours mondiaux des céréales, ont aussi suscité l'engouement des céréaliculteurs. Plus de 140 000 d'entre eux ont vendu quelque 2,13 millions de tonnes aux Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS). Le reste de la production a été utilisé par les agriculteurs pour leur propre consommation ou pour l'alimentation du bétail. Des cas de tentative de fraude ont abouti à la traduction devant la justice d'une quinzaine de personnes qui avaient essayé de fournir aux CCLS des céréales importées qu'ils voulaient faire passer pour leur propre production. Pour la saison qui commence, le ministre a assuré que tous les moyens seront mobilisés pour réaliser une production aussi bonne si ce n'est meilleure que celle de l'année précédente. Les engrais et les semences sont disponibles au niveau des CCLS, a-t-il soutenu. Des mesures ont été prises pour une meilleure mécanisation de l'agriculture, a-t-il ajouté. Une convention a été signée entre la Banque de l'agriculture et du développement rural (Badr), l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et l'entreprise nationale Production de matériels agricoles trading (PMAT). « La Badr s'engage à financer à travers le leasing l'acquisition, auprès de la PMAT, de 500 moissonneuses-batteuses au profit des CCLS à travers le territoire national. Elles seront aussi subventionnées par l'Etat qui participe au montage financier. Il s'agit également de financer un nombre équivalent de tracteurs et de matériel d'accompagnement », souligne à ce propos Boualem Djebbar, PDG de la Badr. Cette banque a déjà accompagné plus de 1000 agriculteurs qui ont bénéficié du dispositif de leasing lancé l'année dernière. Le montant des opérations s'est établi à 1,2 milliard de dinars. Pour la convention signée hier, la Badr prévoit de financer l'acquisition d'équipements pour près de 4 milliards de dinars, a-t-il indiqué.