Ghardaïa. Lundi, 3h. Une heure où les policiers sont généralement dans les zones tampon de la ville pour éviter de nouvelles dérives sécuritaires. On savait que Berriane renouait avec des violences non encore maîtrisées, mais dès que la rumeur (non encore confirmée) du décès d'un de leurs collègues s'est propagée telle une traînée de poudre, des centaines d'éléments des Unités républicaines de sécurité, communément connues sous le nom de forces antiémeute, se sont rassemblés devant le siège de la sûreté de wilaya de Ghardaïa, dénonçant leur conditions de travail et surtout la précarité de leur situation sociale et de leurs conditions de vie et d'exercice du métier dans la vallée du M'zab. Affluant de plusieurs communes de la wilaya, abandonnant leurs positions et issus des URS de 28 wilayas du pays ramenés depuis novembre 2013 pour rétablir le calme à Ghardaïa après les violents affrontements intercommunautaires qui ont ébranlé la région, ils se sont retrouvés pour crier leur colère contre le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major Abdelghani Hamel, à qui ils imputent leurs lamentables conditions de travail. Témoignages accablants «Nous effectuons 12 heures de travail par jour et nos responsables déclarent que nous travaillons sous le régime des 3×8, ce qui est un mensonge», crie un jeune policier de Constantine avant d'ajouter : «Je voudrais bien que vous veniez voir où nous dormons, sous des tôles par 45°, comme des animaux. Ne sommes-nous pas des êtres humains ?» Et un autre d'ajouter : «Hamel a déclaré devant des étrangers, à la réunion avec Interpol, que les policiers algériens sont bien rémunérés et que la plupart d'entre eux perçoivent 60 000 DA ? Eh bien, dites-lui que je ne touche que 32 000 DA et que mes collègues et moi, nous mettons nos vies en danger ici.» Les témoignages sont crus et relatent un quotidien difficile, un sentiment d'abandon : «Agressés, tabassés, nous sommes aussi bien les victimes des émeutiers que des retenues sur salaires sans aucune absence de nos postes de misère devant des bandes criminelles encagoulées usant d'une violence inouïe.» Debout pendant plus de quatre heures face à la sûreté de la wilaya, les manifestants ont subitement changé de position pour donner le dos aux responsables sortis sur les marches de l'imposant édifice, les regardant sans oser approcher. Après presque une demi-heure dans cette posture, ils se sont dirigés dans une parfaite organisation vers le siège de la wilaya de Ghardaïa, à une centaine de mètres, après avoir entonné l'hymne national, toujours donnant le dos aux responsables. Les Ghardaouis saluent une élite qui proteste Les URS ont été acclamés tout au long du parcours par la population, notamment les jeunes Ghardaouis agglutinés sur les deux côtés du parcours. Les policiers, dans un silence entrecoupé par des applaudissements et les encouragements de la population saluant ce geste de courage de ces enfants de la République, ont emprunté le boulevard Didouche Mourad avant de déboucher sur l'avenue Talbi Ahmed, au bout de laquelle se trouvent le foyer de la police et le siège du tribunal. Sans s'arrêter, ils ont, encore une fois, entonné l'hymne national avant de déboucher sur l'avenue du 1er Novembre. Arrivés sur l'esplanade qui donne sur le siège de la wilaya et le siège de la cour de Ghardaïa, ils se sont assis par terre dans le calme, pendant près de 45 minutes, avant de reprendre le chemin inverse vers le siège de la sûreté de wilaya. Sur le chemin du retour, la détermination était plus forte. Quatre policiers placés au devant de la procession portaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire, en arabe : «Hamel dégage», «Nous voulons un syndicat autonome», «Nous voulons le ministre» et «10 mois, barakat». Vers 14h, le DGSN, Abdelghani Hamel, est arrivé à Ghardaïa en catimini et la sûreté de wilaya a publié un sibyllin et laconique communiqué transmis par mail à la presse pour informer que le patron de la police est arrivé à Ghardaïa pour une visite de travail et d'inspection et qu'il a rendu visite à quelques policiers blessés sur leurs lits d'hôpital, éludant superbement la situation explosive dans laquelle s'est retrouvée la vallée du M'zab avec son lot d'incendies, de blessés et de lendemains incertains. Aucun contact avec la presse, reléguée au rang de curieux indésirables.