Au square Port-Saïd d'Alger, l'effervescence était hier à son comble. Entre cambistes clandestins, clients et flâneurs, il était difficile de se frayer un chemin. Dans ce marché parallèle aux devises, toléré par les hautes autorités monétaires du pays, l'euro valait 155 DA à l'achat et 157 DA à la vente. Officiellement, il est toujours coté 107 DA, selon la Banque d'Algérie. Pour de nombreux cambistes clandestins, le maintien de l'euro à des niveaux aussi hauts s'explique par la sacro-sainte règle de l'offre et de la demande. «La demande reste relativement importante. C'est la raison principale pour laquelle l'euro est négocié au prix fort», confie Mohamed, trentenaire, des liasses de billets à la main. A en croire ce cambiste, cette demande est boostée particulièrement par les importateurs et les grosses fortunes. La période de fêtes de fin d'année, propice aux voyages à l'étranger pour de nombreux Algériens, participe aussi à cette hausse de la demande sur la monnaie européenne, précise-t-il. Ceci dit, le cours actuel de l'euro est loin d'égaler le seuil atteint lors de la période estivale, quand il a dépassé la barre psychologique des 165 DA. Cette période coïncide avec le retour massif des émigrés algériens. Sur ce marché clandestin, la hausse des cours de devises a touché particulièrement le dollar. Cédé à 117 DA en juin, le billet vert a dépassé les 125 DA, très loin du cours officiel de la Banque d'Algérie établi à 86 DA. Interrogés sur les raisons de cette flambée du dollar, de nombreux cambistes évoquent la conjoncture internationale, marquée par la chute vertigineuse des prix du brut. «Depuis l'été dernier, la valeur du dollar augmente peu à peu en raison de la baisse des prix du pétrole. Seule une hausse des cours de l'or noir pourrait infléchir la situation. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui », s'accordent-ils à dire, relevant que de nombreux clients se rabattent sur le billet vert en raison de la cherté de l'euro. Contrairement à ces cambistes, dont l'activité illicite fait florès, la hausse des cours des devises exaspère beaucoup les clients aux revenus moyens. C'est le cas de Hamid, employé dans une entreprise privée et candidat au voyage en Espagne : «Le cours actuel de l'euro est très pénalisant. Le problème, il n'a jamais baissé ! Même l'allocation touristique de devises, fixée actuellement à 130 euros, est dérisoire pour faire face aux dépenses !» En attendant une hypothétique hausse de cette allocation, de nombreux clients sont obligés de payer l'euro et le dollar au prix fort.