Face aux lenteurs de la distribution de l'aide internationale après le séisme de 7° sur l'échelle de Richter qui a frappé Haïti mardi dernier, les sinistrés crient leur colère et expriment leur désespoir. Des habitants ont bloqué jeudi certaines rues de la capitale Port-au-Prince avec des cadavres afin de protester contre le retard de l'assistance humanitaire, a rapporté Shaul Schwarz, photographe pour le magazine Time. Au cours des dernières heures, 7000 personnes ont été enterrées, mais les cadavres continuaient de joncher les rues. « Nous avons passé la journée à ramasser des cadavres (...). Il y a tant de corps dans les rues que les morgues et les cimetières sont pleins », a témoigné le chanteur américano-haïtien Wyclef Jean, venu prêter main forte à ses compatriotes. Selon une estimation l'ONU, 300 000 personnes se retrouvent sans toit au niveau de la capitale du pays, une ville de 2,8 millions d'habitants où 10% des habitations ont été détruites. La Croix-Rouge haïtienne a évalué le nombre de tués entre 45 000 et 50 000 personnes, tandis que plus de trois millions d'autres — soit un tiers de la population du pays — ont été blessées ou sont sans abri. Selon les secouristes, le bilan des victimes devrait s'alourdir si les blessés ne bénéficient pas rapidement d'une assistance médicale. Une trentaine de pays participent déjà aux opérations d'aide sur place, selon le département d'Etat américain, mais les difficultés sur le terrain sont immenses, d'après les différents correspondants des médias présents. Des secouristes venus des Etats-Unis, de France, de République dominicaine ou du Venezuela sont à pied d'œuvre pour tenter de retrouver des survivants dans les décombres. L'insécurité est l'un des principaux problèmes pour les équipes de secours. Difficulté supplémentaire, les sauveteurs risquent de devoir travailler en l'absence de toute coordination de la part des autorités locales, les principales infrastructures du pays étant détruites. Les défaillances des structures locales et la menace des pillages s'ajoutent aux obstacles logistiques. Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU, qui prévoit de distribuer une aide d'urgence à 2 millions de sinistrés, a annoncé hier que ses entrepôts à Port-au-Prince avaient été pillés. L'aéroport de Port-au-Prince, équipé d'une seule piste, est engorgé par le trafic des avions transportant aide humanitaire et équipes de secours. Les communications sont en piètre état et les déplacements entravés par des routes détruites ou bloquées. Un porte-avion américain à propulsion nucléaire, l'USS Carl Vinson, était attendu incessamment au large de la capitale afin de servir de base flottante pour les rotations d'hélicoptères, un élément du dispositif de secours essentiel pour soulager l'aéroport. Le bâtiment dispose d'un système de purification d'eau, de dizaines de lits médicalisés et de trois salles d'opération. Sa présence permettra d'évacuer des blessés et de transporter des médecins, ainsi que de grandes quantités d'eau potable. Les Etats-Unis ont annoncé hier qu'ils avaient obtenu exceptionnellement l'accord des autorités cubaines pour utiliser leur espace aérien afin d'accélérer l'arrivée des secours. « Nous nous sommes coordonnés avec les autorités cubaines pour convoyer des avions d'évacuation médicale depuis la base américaine de Guantanamo vers Miami en Floride, via l'espace aérien cubain. Ce qui nous permet de gagner 90 minutes par vol », a déclaré un haut responsable américain. Cuba et les Etats-Unis n'entretiennent plus de relations diplomatiques officielles depuis 1961.