Entretemps, Ankara accuse les séparatistes kurdes des deux autres attaques, dans la capitale économique de la Turquie et dans le sud-est du pays, qui ont fait six morts parmi les forces de sécurité. Ces opérations interviennent alors que le gouvernement intensifie sa campagne militaire contre la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La veille, les Etats-Unis ont annoncé le déploiement des chasseurs F-16 dans la base d'Incirlik, en Turquie, pour lutter contre le groupe Etat islamique (EI). Peu après minuit, un kamikaze présumé a fait exploser une voiture piégée devant un poste de police du quartier de Sultanbeyli, sur la rive asiatique du Bosphore, à Istanbul. Dix personnes ont été blessées, dont trois policiers, selon un communiqué du bureau du gouverneur. Deux militants ont été tués dans des accrochages avec les forces de sécurité, selon la même source. Et tôt le matin, deux femmes ont ouvert le feu sur le consulat des Etats-Unis, situé dans le quartier d'Istinye sur la rive occidentale du Bosphore. L'une des assaillantes, blessée, a été arrêtée par la police, selon le bureau du gouverneur. Il s'agit de Hatice Asik, une militante du Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), selon l'agence officielle Anatolie. Ce dernier a confirmé son identité sur son site web et promis que «la lutte continuera jusqu'à ce que l'impérialisme et ses collaborateurs quittent notre pays et que chaque pouce de notre territoire soit libéré des bases américaines». Classé terroriste par les Etats-Unis et l'Union européenne (UE), il a revendiqué, en 2013, un attentat-suicide contre l'ambassade des Etats-Unis à Ankara qui a fait un mort. Les autorités turques le considèrent comme proche du PKK. Selon les médias turcs, Hatice Asik, 51 ans, «Hulya» de son nom de guerre, a été libérée le 8 juillet d'une prison d'Istanbul, en attendant d'être jugée. Elle a été arrêtée pour avoir hébergé deux militants de son organisation qui avaient attaqué un poste de police dans la ville il y a trois ans, elle risque la prison à vie. Le consulat américain a annoncé qu'il resterait fermé au public jusqu'à nouvel ordre. Un responsable turc, sous le couvert de l'anonymat, a affirmé que le PKK a pour sa part attaqué la station de police. Cependant, l'attaque est aussi revendiquée par un petit groupe de gauche, les Unités de défense du peuple, sur Twitter. Dans ce contexte belliqueux, quatre policiers ont été tués hier matin par une bombe dans la province de Sirnak, dans le sud-est du pays. Attentat attribué par les médias locaux aux rebelles kurdes. En outre, un soldat turc a été tué quand des militants kurdes ont attaqué au lance-roquette un hélicoptère militaire qui transportait du personnel dans le secteur de Beytussebap à Sirnak, selon l'agence Dogan. Ankara a lancé le 24 juillet une «guerre contre le terrorisme» visant simultanément le PKK et les combattants du groupe de l'Etat islamique (EI) en Syrie. Les raids aériens des force turques qui ont suivi se sont concentrés sur la guérilla kurde. Seuls trois d'entre eux ayant été jusqu'à présent officiellement signalés contre l'EI. Une guerre sur plusieurs fronts Dimanche, l'agence gouvernementale Anatolie a affirmé qu'environ 390 combattants du PKK ont été tués en deux semaines par des raids de l'aviation turque contre des bases rebelles situées dans le nord de l'Irak. La guérilla kurde a, de son côté, rompu un cessez-le-feu unilatéral datant de 2013 et repris ses attaques contre les forces de sécurité turques. Un haut responsable du PKK, Cemil Bayik, a affirmé hier à la BBC que la Turquie tentait de protéger l'EI en combattant son ennemi juré, le PKK. «Ils le font pour affaiblir la lutte du PKK contre l'EI. La Turquie protège le groupe EI», a-t-il déclaré. De leur côté, ces violences interviennent alors que les Etats-Unis ont pour la première fois déployé, dimanche, des chasseurs F-16 et un contingent de 300 militaires sur la base d'Incirlik, dans le sud de la Turquie, pour lutter contre l'EI. Membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), la Turquie a jusqu'à récemment refusé de participer activement aux opérations de la coalition contre l'EI, par méfiance des Kurdes de Syrie, alliés du PKK et combattant sur le terrain les djihadistes, à proximité de sa frontière. Le Parlement turc a autorisé le 2 octobre 2014 une intervention militaire en Syrie et en Irak, mais les forces turques positionnées à la frontière face à la ville frontière syrienne au nord, Kobané ne sont pas pour autant entrés en combat. La Turquie a accueilli avec méfiance la création, en 2013, d'une administration autonome par le Parti de l'union démocratique kurde (PUD) dans trois cantons du nord-est de la Syrie abandonnés par Damas. Elle exige des Kurdes syriens, qui lui réclament l'ouverture d'un couloir entre Kobané et la Turquie pour y faire transiter des armes, qu'ils renoncent à cette autonomie. Aussi, pour Ankara, l'objectif essentiel de toute intervention doit être la chute du président syrien Bachar Al Assad. Aujourd'hui, Ankara, impliquée déjà dans le conflit syrien, est confrontée à l'IE, le PKK, et le DHKP-C et autres partis d'extrême gauche alors que le régime de Damas demeure toujours en place.