La Turquie bascule dans un cycle de violence sans précédent. En état d'alerte maximum, elle a subi, hier, en quelques heures seulement, une triple attaque meurtrière qui a ciblé le consulat américain, à Istanbul, un commissariat du quartier de Sultanbeyli, sur la rive asiatique du Bosphore, et, plus loin dans le sud-est, un convoi de la police le long d'une route dans le district de Silopi (province de Sirnak), frontalière de l'Irak et de la Syrie. Dans la même localité, plus précisément à Beytussebap, un hélicoptère de l'armée qui transportait du personnel, a également été attaqué au lance-roquettes. Ces évènements, qui ont fait à la mi-journée au moins huit morts, selon les médias turcs, se produisent dans un climat d'escalade des tensions qui révèle l'entrée en scène d'un autre acteur dans la guerre sans merci, déclenchée depuis l'attentat sanglant de Suruç (32 morts) entre Ankara et le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et considérée comme le point de rupture du processus de paix conclu en 2013. Il s'agit, bien évidemment, du DHKP-C (Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple) inscrit sur la liste noire des groupes terroristes par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne. Dans un communiqué publié sur son site web, ce groupe a affirmé que « la lutte continuera jusqu'à ce que l'impérialisme et ses collaborateurs quittent notre pays et que chaque pouce de notre territoire soit libéré des bases américaines ». A l'ombre de la « guerre contre le terrorisme », la Turquie, qui entend bouleverser « l'équilibre » en Syrie et en Irak, est ainsi confrontée à la double menace du PKK, érigée en priorité absolue, et de l'extrême gauche traditionnellement opposée à la présence américaine sur le sol turc. En effet, la flambée de la violence intervient au moment où les Etats-Unis ont, pour la première fois, déployé des chasseurs F-16 et un contingent de 300 marines sur la base d'Incirlik, grâce à un accord signé fin juillet avec la Turquie jusque-là réfractaire à une participation aux opérations de la coalition internationale contre Daech et, plus encore, à toute utilisation de cette base stratégique. Le compromis donnerait-il la part belle aux Etats-Unis dans la lutte contre Daech en contrepartie de la caution de la stratégie de containment kurde ? Car plus que le Daech, le PKK est laminé par deux semaines de raids intensifs au bilan tragique : près de 400 combattants tués, contre une vingtaine de membres des forces de l'ordre ciblés par une série d'attaques suicides.