Le retard accusé par l'Algérie dans son processus d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (Omc), entamé en 1987, trouve son origine dans la nature rigide de l'économie nationale. C'est le constat dressé par des économistes invités à une table ronde organisée hier au centre de presse d'El Moudjahid. Intervenant à l'occasion, Farid Benyahia, professeur en relations internationales, a estimé qu'« On a fait beaucoup d'erreurs. On a gaspillé beaucoup d'argent (…) L'Algérie est gérée au jour le jour. C'est de la non-gouvernance ». Pour étayer ses propos, cet économiste abat ses cartes. Et elles sont nombreuses. « Le premier problème de notre pays est la fuite des compétences. C'est une réalité de tous les jours », dira-t-il, en estimant que l'Algérie accuse des pertes de l'ordre de 100 milliards de dollars en raison de ce phénomène. Evoquant la question liée à la déstructuration du tissu industriel, M. Benyahia estime que seulement 381 entreprises sont viables tandis que 409 sociétés sont en difficulté, soit 45% du total des entreprises. « L'économie nationale se portait mieux durant les années 1970. Aujourd'hui, on est en pleine régression. Le manager ne dispose pas de liberté de management. Pourtant, nous disposons de richesses et de compétences », regrette-t-il. S'agissant du processus d'adhésion, il invoque l'existence de « pression interne et externe » qui ne souhaite pas voir l'Algérie accéder à l'OMC. L'économiste n'hésite pas à incriminer à la fois le « système en lui-même » actuellement au pouvoir ainsi que certaines puissances occidentales. « Notre diplomatie est très moue », commente-t-il. Autre tare, l'intervenant invoque le système bancaire qui, malgré les réformes engagées, « pose un problème sérieux » à l'économie algérienne. « La volonté de réforme reste insuffisante », indique-t-il, non sans dire que le problème de l'accès au foncier agricole et industriel « se pose avec acuité ». En voulant expliquer l'absence de toute vision stratégique de gestion, M. Benyahia rappelle que les importations de véhicules qui ont atteint 3 milliards de dollars auraient servi à la mise en place de 8 à 10 unités de montage, susceptible de créer 12 000 postes d'emploi. Au chapitre des importations de médicaments, le conférencier indique que le conditionnement du médicament en Algérie aurait permis au pays de ramener à la baisse de 30 à 40 la facture d'importation de médicaments. « Il n'existe pas un diagnostic de management de l'économie algérienne. Le ministère du Plan qui a existé dans les années 1970 a été dissous », se plaint M. Benyahia, également auteur d'un ouvrage consacré à l'impact de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Ce sont, selon lui, autant de scories de l'économie nationale, laquelle n'arrive pas à réunir les conditions nécessaires pour son accession à l'OMC. Ce consultant au PNUD souligne que seules la mise en place d'un environnement de liberté économique, la valorisation des compétences, la maîtrise des coûts, conjuguée à une véritable volonté politique, sont à même de permettre à l'Algérie de s'arrimer à l'OMC. Pour sa part, M. Idriss Laâlaoui, consultant en gestion des entreprises, a émis trois lectures à l'origine de ce retard. « Il n'y a pour l'instant aucune volonté politique réelle pour adhérer à cette organisation. L'état de notre économie ne répond pas aussi aux exigences de pays développés. Même les représentants de l'Algérie aux négociations ne sont pas assez compétents. Maintenant, il faudrait revoir les compétences des uns et des autres, et assurer la stabilité de la commission de négociation », plaide-t-il. De son côté, Mme Meriam Inel, professeur en sciences économiques, a réclamé la mise en place d'une « stratégie industrielle dans les plus brefs délais ». « On ne peut pas continuer à gérer le pays à l'aveuglette. Il faut que la stratégie industrielle soit claire. Et celle-ci doit s'appuyer sur des compétences nationales », conclut-elle.