Dans cette «guerre» des tranchées, deux meneurs se disputent et s'activent à fédérer autour d'eux les militants islamistes, en l'occurrence Abdallah Djaballah et Abderrazak Makri, deux personnalités du courant islamistes aux itinéraires politiques contrastés, dont le point commun est la référence personnelle et idéologique à l'islam. Ainsi, l'alliance dite «verte», nouée lors des législatives de 2012 par les partis islamistes, est consommée et la rupture devient inévitable. Il est à se demander ce qui motive toutes ces tractations entre les partis islamistes, loin des médias. C'est dans l'air, le MSP rejoindrait bientôt le gouvernement. Ainsi, l'incorporation de HMS dans le gouvernement devient qu'une question de temps, soit juste après les résultats des législatives. «Le HMS négocie secrètement avec les hauts responsables de l'Etat son retour au gouvernement», nous renseigne un haut responsable proche du dossier. L'on se souvient qu'en juillet 2015, c'est Mokri – de son propre chef – qui décide, contre toute attente, de poster auprès du chef de cabinet de la présidence Ahmed Ouyahia la plateforme de l'opposition, issue du congrès de Mazafran, ce qui a éveillé des soupçons auprès de ses partenaires politiques regroupés dans la CNCD. «Même en état de guerre – ce qui n'est pas le cas bien sûr en Algérie –, les gens se rencontrent et se parlent. C'est une question de culture politique», avait-il déclaré aux médias. Ce retour à la «maison de l'obéissance» serait ainsi dicté par plusieurs facteurs. L'échec de la stratégie de rupture avec le gouvernement, adoptée au lendemain des «printemps arabes», et l'ascension de quelques partis islamistes au pouvoir, incarnés par les Frères musulmans au Maroc, en Tunisie et en Egypte, inspirent les stratèges du HMS d'une possible victoire lors des législatives de 2012. L'Erdogan algérien Sous Makri, peu de personnalités émergent publiquement ; l'homme travaille en catimini son image de leader charismatique, héritier légitime de Nahnah et joue, un temps, l'Erdogan algérien. Il se lance dans une campagne aux allures bling-bling, berlines rutilantes, costumes sur mesure et montres de luxe. Il n'hésite pas à utiliser les réseaux sociaux et soigne au maximum son image. L'égo démesuré de Makri ne plaît pas et ne fait plus recette ; au contraire, il suscite la curiosité et des interrogations quant à ses ambitions de chef de parti et de ses choix politiques jusqu'à douter de l'efficacité de cette stratégie. Au final, cette démarche semble infructueuse au bout de cinq ans et engendre des frictions au sein de son parti. HMS a trop perdu. Des cadres du parti s'activent en catimini, soit pour le destituer ou bien pour le dissuader de revenir dans le giron du pouvoir. Entre-temps, son rival et ancien président du parti, Bouguerra Soltani, mène des négociations avec le pouvoir pour un retour prochain de sa formation au gouvernement. Il ne s'en cache plus et se confie même dans la presse. Il est aidé alors par des personnalités importantes du HMS issues des milieux d'affaires. «Le parti a trop perdu en influence et ses bailleurs de fonds ont également perdu en termes de marchés publics. Ils voient leurs activités en récession, et seul un retour au gouvernement permettrait, notamment en ces temps de disette, de reprendre les affaires», confie un cadre dissident du HMS. Dans le pur modèle du «contingency school», le HMS sort son ancien slogan : «la participation» ou communément l'entrisme politique comme seul moyen d'accéder au pouvoir. Bien que Makri refuse de parler ouvertement de la possibilité de réintégrer le gouvernement, dans les coulisses, la question semble tranchée. «Notre retour au gouvernement est nécessaire, car il est dicté par la crise que traverse le pays», répètent quelques leaders du parti à qui veut les entendre. Le calife Les éléments de langage seraient donc retenus et le discours du parti tend progressivement vers la normalisation. L'autre raison qui motive ce choix serait cette alliance objective scellée récemment par le pouvoir et les milieux salafistes. Elle a été favorisée par les médias inféodés au pouvoir et proches de la mouvance islamiste. Cela s'est traduit par l'intervention de plus en plus d'acteurs salafistes sous couvert d'analystes politiques, économiques, voire même des sociologues dans les médias. Et plus récemment des chouyoukh autoproclamés du salafisme font leur apparition pour appeler au calme dans le sillage des émeutes qu'ont connues certaines régions du pays. La menace est donc claire et le message reçu cinq sur cinq. Par ailleurs, Abdallah Djabballah et ses lieutenants s'agitent et s'affairent à préparer la contre-offensive et se positionnent dans la ligne historique que revendique le mouvement : l'opposition au pouvoir et tenter par la même de remporter le plus grand nombre de sièges dans le prochain Parlement. Cependant, les ambitions de Abdallah Djabballah ne s'arrêtent pas à une histoire d'élection, son fantasme le plus nourri serait de se voir un jour intronisé maître-penseur et chef sans conteste du mouvement islamiste algérien.