La région de Mostaganem, l'un des bastions de la filière pomme de terre en Algérie, avec 10 000 ha en exploitation, connaît une brusque réapparition du mildiou. Les énormes taches noires caractéristiques ont envahi de grandes étendues où la pomme de terre entamait l'ultime phase de grossissement de ses tubercules dont la récolte était attendue pour la fin du mois de mars. Pour cette saison, malgré tous les efforts, les éléments n'auront pas épargné les cultivateurs de patates. En réunissant les meilleures conditions à l'apparition du mildiou, la météo vient de donner le coup de grâce à des fellahs qui avaient naïvement baissé la garde. En effet, l'alternance d'averses et de chauds rayons de soleil aura concouru à réunir les conditions pour que le redoutable champignon se réveille brusquement et envahisse les plantations. Alors que les cultures entamaient normalement la cruciale phase de tubérisation et de grossissement – malencontreusement avancée en raison de mise en semis plus précoce que d'habitude –, la forte hygrométrie, associée à des températures supérieures à 18°C, allait permettre l'éclosion des spores. Les dégâts observés sur les terres intérieures de Touahria, Sirat, Bouguirat et Mansourah prouvent combien les fellahs avaient été pris de court. Ceux parmi les fellahs qui avaient respecté le programme d'un traitement régulier, à raison d'au moins une application par semaine, tout en alternant entre les différentes formules chimiques afin d'éviter les résistances, auront été jusque-là épargnés. Ce qui est loin d'être le cas pour les autres, les plus nombreux, mais également les plus vulnérables. Rendement et cours en chute libre Dans la commune de Mansourah, c'est une étendue de 25 ha qui a été transformée en une masse noire d'où surgissent des reliques de tiges. Pour ce fellah, c'est un vrai cataclysme qui vient de s'abattre sur lui. Deux jours auparavant, il envisageait sereinement une récolte de 12 000 q. Hier matin, il priait le ciel pour que les tubercules encore malingres ne soient pas atteints, car il avait entamé la récolte avec l'espoir de rembourser une petite partie de l'investissement. Aux alentours, ce sont encore les affreuses taches noires qui sont venues remplacer la rutilante verdure de la veille. Comme pour ajouter au malheur de ces petits fellahs, non seulement les tubercules sont loin de la taille mature, il aura fallu que les cours s'écroulent pour descendre à moins de 25 DA. Ici, les rendements sont si faibles qu'il serait miraculeux que les agriculteurs concernés puissent rentrer dans leur frais. Car avec des récoltes qui ne parviendront pas à dépasser les 50 quintaux/hectare – soit 8 à 10 fois moins que ceux obtenus habituellement en temps normal dans la région –, le fellah n'empochera pas plus de 120 000 DA par hectare. Sachant que dans la plupart des cas, il faut investir entre 300 000 et 450 000 DA/hectare, dont plus de 150 000 DA uniquement pour l'achat de la semence, il faudra s'attendre à des faillites en série chez ces centaines de petits paysans qui n'ont aucune assurance ni n'accèdent à aucun crédit bancaire. Les consommateurs pourront se réjouir à la vue des prix dérisoires, mais leur joie sera de courte durée, car très vite le marché repartira vers la pénurie et la pratique de prix qui donneront le tournis à tout le monde.