Pour les élèves, notamment ceux en classe de terminale, la reprise des cours était attendue. Ils affrontent les examens dans un esprit sérieusement perturbé. Instabilité dans le calendrier scolaire, qualité de l'enseignement qui laisse à désirer, programmes surchargés, des instituteurs usés par des conditions de travail intenables et un ministre qui reste collé à son siège. Les grèves à répétition viennent compliquer la donne. Incapables de résister face à un gouvernement décidé à employer tous les moyens répressifs, les enseignants, armés, quant à eux, d'un grand sens de responsabilité, ont dû céder devant la menace et le chantage. Ainsi, si la levée du mot d'ordre de grève a été pour les élèves un grand soulagement, pour les enseignants c'est plutôt une pénible épreuve. La mort dans l'âme. C'est avec cet état d'esprit de déception qu'ils ont repris le chemin du travail. Un sentiment d'humiliation. Impossible de ne pas s'en apercevoir. L'ambiance était lourde hier au lycée Emir Abdelkader d'Alger, bastion des luttes syndicales. Les enseignants cachaient mal leur « déception ». Ils sont indignés par la façon brutale avec laquelle le ministre a traité la grève. « Franchement, il y a de quoi être outré. Au lieu d'un dialogue que les pouvoirs publics devraient ouvrir avec les syndicats, ils ont opté pour la menace et le chantage. C'est à la limite de l'humiliation », a regretté un enseignant de philosophie. Son collègue a qualifié de « scandaleuse » l'attitude des autorités. « Le recours aux menaces de radiation dénote du mépris des responsables à l'égard des enseignants et du secteur de l'éducation. » « Ils pensent (pouvoirs publics) que reprendre le travail dans de telles conditions, réglerait le problème. Avec ce type de comportement, ils ont fini par installer un climat de méfiance entre enseignants et tutelle », s'est-il exaspéré. Une autre enseignante qui, elle, fait partie d'un autre syndicat que celui qui a fait grève, a exprimé un autre point de vue. « Il fallait s'attendre à une réplique des plus dures de la part du gouvernement. Quand on engage une bataille, il faut bien la préparer. Cela dit, la réponse du ministre est plus que condamnable. Il faut qu'on tire les enseignements de cette grève pour mieux préparer les batailles futures afin de les gagner », s'est-elle exprimée avant de regretter l'absence du défunt Redouane Osmane, fer de lance du syndicalisme engagé, dont le nom est revenu souvent dans la bouche de beaucoup d'enseignants, à l'occasion de cette grève. « S'il était encore vivant, il n'aurait jamais reculé devant les menaces du ministre », a-t-elle ajouté avec exaspération. Exaspérations Pour les élèves, notamment ceux en classes de terminale, la reprise des cours était attendue. Ils affrontent les examens dans un esprit sérieusement perturbé. Néanmoins, ils sont unanimes à se dire solidaires avec leurs professeurs, non sans craindre les conséquences de la grève. Sarah, qui était contente de retrouver ses copines de classe, a eu cette réflexion : « C'est vrai que nous sommes du côté de nos enseignants. Leur mouvement est légitime, mais une grève en cette période de l'année scolaire va sérieusement nous perturber d'autant plus que l'épreuve du bac approche. » Selon elle, « les résultats des examens seront catastrophiques ». Elle trouve inexplicables les menaces du ministre. Pour elle et ses camarades, pas question de remplacer leurs enseignants par d'autres. Au lycée des Frères Arroudj et Kheireddine Barberousse, mitoyen avec la faculté centrale, impossible pour nous d'y accéder. « Le directeur ne souhaite pas vous recevoir sans l'autorisation de l'académie », nous a signifié le concierge du lycée. Sans doute, il ne veut plus entendre parler encore de grève et autres mouvements de contestation. Un groupe de lycéens, se trouvant devant la porte d'entrée pour rattraper le retard, ont organisé entre eux des cours du soir, ils commentent la grève de leurs instituteurs. « Nous sommes toujours les premières victimes de la grève, mais on soutient nos enseignants. Au lieu de les menacer d'exclusion, le ministre aurait mieux fait de régler leurs problèmes avant même qu'ils fassent grève », ont-ils asséné. Entre enseignants et élèves, les parents sont partagés. « Nos enfants ont droit à une scolarité normale, leurs profs n'ont pas tort de faire grève. La faute incombe aux responsables et surtout à ce ministre qui sévit depuis des années », a lâché avec colère un quinquagénaire. Pas loin de là, le lycée Omar Racim est plongé dans une ambiance appliquée. La grève est finie pour laisser place à un rythme de cours très accélérés, a estimé un prof. Il serait quasi impossible de rattraper le retard. « On n'y peut rien. De toute manière, ce n'est pas l'unique année où les cours sont perturbés. C'est tout le calendrier qui sera chamboulé », a-t-il jugé. Et c'est dans cet état d'esprit que élèves et enseignants préparent les compositions. « Nous allons préparer les examens dans la précipitation, vous imaginez quelles seront les conséquences sur les résultats des élèves, notamment ceux qui vont passer l'épreuve du baccalauréat. » « Les compositions c'est dans une semaine et on ne sait pas comment faire », a ajouté perplexe notre interlocuteur. Mais ce qu'il a trouvé de choquant et inacceptable, notre instituteur, usé par 25 ans d'exercice, c'est le comportement du ministre. « Etant le responsable du secteur, il est censé avoir une attitude responsable. » Le langage de la menace doit être banni, mais bon… D'année en année, l'école algérienne ne cesse de dégringoler. La faute n'est sans doute pas celle des enseignants.