Les tensions qui caractérisaient les préparatifs du 9e congrès du FLN n'ont pas empêché les militants du parti de multiplier les accolades. Il était important d'afficher une entente cordiale pour ne pas gâcher la fête. Même les Benflissistes, ou ceux qui sont qualifiés de « dissidents », n'ont pas fait entendre leurs voix dissonantes. Le secrétaire général du FLN, seul candidat pour succéder à lui-même, n'a pas eu à aborder la « fitna » qui menacerait le vieux parti. Dans un message lu en son nom par le secrétaire général de la Présidence, Habba El Okbi, le président Abdelaziz Bouteflika, a affirmé que le FLN « était appelé à s'ouvrir aux générations montantes pour préserver la place qu'il occupe parmi les forces les plus actives sur la scène nationale ». Les crinières blanches qui étaient nombreuses dans la salle acquiescent sans mot dire. Le 9e congrès du FLN devrait accueillir, trois jours durant, 3650 congressistes dont seulement 540 femmes et jeunes. Epuré, le discours d'ouverture de Abdelaziz Belkhadem n'était pas des plus passionnants. Debout sur la tribune, coincé entre deux portraits géants du président Bouteflika, on ne savait plus s'il parlait en sa qualité de représentant personnel du président de la République ou au nom du secrétaire général de la plus importante formation politique du pays. Les idées neuves font cruellement défaut. Entre les cris de « Tahya Bouteflika » et les youyous stridents, la salle s'ennuyait. Pendant le discours, il était possible d'apercevoir la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, plongée dans une longue discussion avec le patron de la Centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd, et le Premier ministre Ahmed Ouyahia, applaudir sans entrain. Le secrétaire général du FLN a gardé ses salves lyriques pour commenter l'actualité internationale. Il ne se gêne pas pour dénoncer l'attitude « sournoise » des Israéliens qui cherchent à gagner du temps avant de se lancer dans les négociations. Il appelle également les Palestiniens à « une réconciliation nationale » entre les partisans du Hamas et ceux du Fatah. La salle se réveille enfin, crépite et les applaudissements fusent. Abdelaziz Belkhadem souligne son attachement à la cause sahraouie et félicite le président Abdelaziz pour le 34e anniversaire de la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). On comprend mieux l'absence de l'ambassadeur marocain. Puis le secrétaire général du FLN énumère toutes les causes soutenues par son parti : l'Irak, la Somalie, le Soudan, la Turquie et la Syrie. Immédiatement après son discours, Abdelaziz Belkhadem donne la parole au président Abdelaziz et va s'entretenir en aparté avec Chadli Bendjedid. Un brouhaha assourdissant s'empare de la salle et plus personne ne prête attention à la tribune. Les chuchotements fusent. L'on susurre que la boîte de communication qui a eu à gérer l'organisation du congrès est celle-là même qui a peaufiné la campagne présidentielle du président Abdelaziz Bouteflika. L'on murmure aussi que le congrès a coûté près de 11 milliards de centimes. L'on souffle que le FLN pourrait se retrouver dans son propre piège… Dans leur paranoïa et leur crainte de voir le congrès infesté « d'intrus », l'ordre a été donné de fermer la porte à tous ceux qui ne disposent pas de badge. Cela a donné lieu à un incroyable cafouillage. Les militants mis dehors, en costume sombre et valise diplomatique, accusaient le coup en déclarant que « ce n'était pas là l'Algérie de Bouteflika » et que « l'Algérie et ses martyrs n'accepteront pas un telle humiliation ».