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De l'amour en géopolitique
Osmo Pekonen. Mathématicien, historien et écrivain
Publié dans El Watan le 01 - 02 - 2019

Nous avons rencontré Osmo Pekonen à la Bibliothèque nationale d'Alger, lundi dernier, où, à l'initiative de l'ambassade de Finlande à Alger, il a participé à la rencontre intitulée «Dialogue interculturel : deux discours finlandais» avec son confrère et ami, Tarmo Kunnas, philosophe et historien des idées qui a présenté une conférence sur l'islamologue algérien Mohammed Arkoun. Durant cette rencontre, Osmo Pekonen s'est intéressé aux opéras nés de la collaboration entre la grande compositrice Kaija Saariaho et l'écrivain et académicien Amine Maalouf.
– Comment «là haut», à partir de la Scandinavie, perçoit-on l'Algérie ?
C'est seulement ma deuxième visite et je ne suis pas devenu un expert du pays, loin de là. Bien sûr, les premières impressions peuvent être trompeuses mais le peuple issu de cette terre très ancienne, depuis la Numidie jusqu'à l'indépendance et la naissance de la RADP, m'en laisse de bonnes. Mais «là haut» comme vous dites, l'Algérie demeure un pays peu connu. Il faut dire qu'en Finlande, les pays voisins, Maroc et Tunisie, sont des destinations touristiques.
Tandis que si un Finlandais vient ici, c'est souvent dans un cadre spécifique, économique ou professionnel. Nous avons le privilège d'avoir été invités par notre ambassadrice qui est une personne positive et active qui veut tisser des liens entre nos deux pays, y compris au plan culturel. C'est donc un voyage de découverte, un peu pionnier, avec mon ami Tarmo Kunnas.
– Vous êtes-vous intéressé à trilogie dite scandinave, écrite par le grand écrivain algérien Mohammed Dib ?
Bien sur, cette partie de l'œuvre de Dib est très connue en Finlande. Je suis un peu trop jeune pour avoir connu ce grand auteur mais mon compagnon de voyage l'a connu. Il a même dirigé un festival littéraire où Dib est intervenu. Il y a eu plusieurs étapes dans l'évolution littéraire de Dib.
Au début, c'était un écrivain réaliste qui a décrit le dur quotidien du peuple algérien à travers des romans (Ndlr : La grande maison, Le métier à tisser, L'Incendie qui forment la trilogie dite algérienne) qui tous ont été traduits en finnois. Mais la trilogie nordique n'a pas été traduite en finnois. Je me suis effectivement intéressé à ces œuvres. La fille de Dib vit actuellement aux Pays-Bas. J'ai essayé de la contacter mais, hélas, sans succès.
– Vous avez étudié les mathématiques et l'histoire des sciences, publié des recueils de poésies et des récits personnels. Vous traduisez aussi… A quoi répond ce besoin de polyvalence ?
Je pense qu'il est particulièrement lié à mes années d'étude en France et à la culture que j'en ai rapportée, une culture de portée universelle. Chaque culture participe à la polyphonie universelle et on ne doit jamais négliger, ni surtout mépriser, aucune d'elles. Mais on ne peut pas affirmer par exemple que la culture finlandaise soit universelle.
La France a développé une culture à vocation universelle. C'est un pays situé au milieu de l'Europe et au bord de la Méditerranée,laquelle est aussi un peu notre mer, même si nous en sommes éloignés. Cet espace est le lieu de naissance de la culture européenne. La Grèce, l'Empire romain, mais aussi un peu l'Algérie parce que Saint Augustin est issu de cette terre…
– Dernièrement, nous évoquions les savants d'Andalousie ou d'Orient et ceux de la Renaissance qui embrassaient tant de disciplines, tel Khayyam, poète et mathématicien comme vous, astronome, auteur d'un traité sur la musique… Eprouvez-vous de la fascination pour eux ?
Certainement, le brassage des cultures, surtout durant l'âge d'or de l'Andalousie, s'est construit à partir de ces personnages polyvalents à vocation universelle… Nous en sommes quand même éloignés en Scandinavie mais, pour ma part, j'ai eu cette chance de m'en rapprocher. Pour l'anecdote, Kunnas faisait du vélo avec Mohamed Arkoun en échangeant des idées. Et maintenant, chaque année, nous organisons une promenade en vélo avec des intellectuels finlandais dans cet esprit rattaché à l'universalisme.
– Un de vos livres porte sur La rencontre des religions autour du voyage de l'abbé Outhier en Suède en 1738-1737. De quoi s'agit-il ?
Le témoignage de ce personnage est assez unique car au XVIIIe siècle, le royaume de Suède (Ndlr : dont faisait encore partie la Finlande) était ultra-protestant et le catholicisme y était même interdit. Le seul prêtre qui a pu obtenir une autorisation royale de visiter le pays à cette époque était le père Outhier. Mais il l'avait obtenue en sa qualité, non pas de religieux, mais de savant venu participer à une expédition géodésique pour déterminer la forme de la Terre.
– Aujourd'hui, au lieu de «rencontre», on parle plutôt de dialogue…
Effectivement et je pense qu'aujourd'hui, il faut créer des ponts – des passerelles au moins – pour que les gens puissent les traverser et comprendre un peu ce qui est précieux et éternel dans une autre culture.
– Dans une actualité mondiale marquée par des événements terribles et douloureux, pensez-vous que ce dialogue a vraiment lieu ?
Pour moi, ce ne sont pas les religions qu'il faut mettre en dialogue mais les êtres humains pour qu'ils puissent se rendre compte que finalement, au fond de nous, il existe un fonds commun à toute l'humanité et que nous sommes tous frères. Et ceux d'entre nous qui sont issus des trois religions monothéistes, sont les fils d'Abraham et donc frères par définition. Mais le monde va mal et si on ne se rend pas compte de la nécessité vitale de trouver un amour fraternel, où est-ce que nous allons ?
– Mais je parle là au scientifique, à l'homme de savoir, pas au poète…
Il faut surmonter les idées reçues et aller sur place voir les autres. Expérimenter soi-même l'altérité en découvrant l'autre et retrouver ce fonds commun à toute l'humanité.
– N'est-ce pas un paradoxe qu'au moment où l'humanité dispose de moyens de communication prodigieux, il y ait encore tant d'incompréhensions et de préjugés ?
Malheureusement, les nouvelles technologies de la communication nous ont entraînés dans une tyrannie de l'instantané, que ce soit des flashs-news ou des messages idiots sur internet. Sincèrement, je déteste tout cela. Je ne suis pas sur facebook, je ne suis pas sur Twitter. Pour moi, le moyen idéal de communication, c'est le livre, le texte qui nécessite un temps de réflexion et un temps de recul pour écouter réellement ce que l'autre nous dit ou ce qu'un auteur écrit. Sur ce qu'une autre civilisation veut dire…
– Comment envisagez-vous le rapport des hommes de science avec la politique ?
Je crains que les hommes politiques soient justement prisonniers de la tyrannie de l'instantané. Le président d'une grande puissance que je n'ai pas besoin de citer, règne à coup de tweets. Il aurait intérêt à écouter les hommes de sciences qui, au moins, ont la vertu de ménager un temps de réflexion avant de s'exprimer. Je pense par exemple à tout ce qui concerne le changement climatique. Il faut être sérieux, travailler et réfléchir avant d'émettre des conclusions. La culture du livre doit être rétablie.
– Quels seraient dans votre poésie les vers qui exprimeraient le mieux le monde actuel ?
J'aurais du mal à les trouver comme ça. Vous savez, mon pays est bilingue, avec deux langues officielles : le finnois et le suédois. Je viens de traduire du suédois au finnois un long poème d'amour, véritable épopée du XVIIIe siècle. Il va sortir en mars et s'intitule De l'Amour. Il n'exprime donc pas le monde actuel, mais ce que le monde devrait être.
– Osmo Pekonen
Est né en 1960 à Mikkeli, au sud de la Finlande. c'est un universitaire et chercheur qui a étudié notamment à l'Ecole polytechnique de Paris. Titulaire d'un doctorat en mathématiques et d'un autre en histoire des sciences, il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages scientifiques et de nombreux essais ainsi que de deux recueils de poésie, une de ses grandes passions.
On lui doit également deux journaux intimes et, en tant que traducteur, il a œuvré autant dans les sciences que dans la littérature. Il est membre de nombreuses sociétés savantes, comme la Société de littérature finnoise, et membre correspondant de plusieurs académies, dont l'Académie européenne des sciences, des arts et des lettres.


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