La récente tournée internationale de Fayez Al Sarraj a montré que les capitales européennes ne veulent plus garder le statu quo dans ce dossier libyen qui n'évolue pas depuis des années. Mais, il n'y a pas de solution claire en vue. La tournée de Fayez Al Sarraj à Rome, Paris, Berlin et Londres n'a pas eu l'impact souhaité par les dirigeants de Tripoli. Il y a eu juste un petit appel à «un cessez-le-feu sans conditions» du président Macron. La bataille de Tripoli tourne à une guerre au long cours et rappelle celle de Benghazi qui a duré trois ans. Les appels internationaux à un cessez-le-feu voire même une trêve humanitaire n'ont eu aucun écho. A voir les réactions à Rome, Paris, Berlin et Londres, la communauté internationale ne semble pas soucieuse de la situation à Tripoli. Les 430 morts, les 2000 blessés et les 55 000 déplacés recensés par l'Organisation mondiale de santé ne semblent pas inquiéter l'Europe, tout comme les violations à répétition des droits de l'homme. Aucune capitale européenne n'a demandé le retrait de Khalifa Haftar et de ses forces (position ante-4 avril), comme l'exige le camp d'Al Sarraj, ni demandé à la population de l'Est libyen de se faire représenter par quelqu'un d'autre que Khalifa Haftar et Salah Aguila, le président du Parlement. Retour aux négociations Loin de ces exigences, toutes les capitales appellent à un cessez-le-feu et un retour aux négociations. Un cessez-le-feu sans conditions, comme l'a souligné le président français Macron, sous-entendant qu'il n'y aura pas d'exigences que les troupes de Haftar reviennent à leurs positions d'avant le 4 avril. Le président français reçoit, par ailleurs, Haftar mercredi à Paris pour discuter des perspectives de solutions du dossier libyen, selon l'agence de presse italienne Nova. Joint à Tunis par El Watan, le politologue libyen et professeur en droit international Mohamed Zebid explique ces rebondissements internationaux à propos du dossier libyen par le «constat affligeant de faiblesse de l'Etat à Tripoli». «Tout le monde sait qui se cache derrière ces tenues officielles des brigades sécuritaires de Tripoli», s'insurge le politologue en insinuant les différentes milices qui s'étaient partagées le contrôle de la sécurité dans la capitale libyenne depuis 2016 et avec l'aval du gouvernement d'union nationale. «Al Sarraj n'a même pas réussi à former la Garde présidentielle dont a fait part l'accord de Sekhirat de décembre 2015. Or, le pouvoir politique est faible s'il ne dispose pas de forces sur le terrain», poursuit le politologue, tout en expliquant que «la communauté internationale est impatiente de voir les signes de l'Etat en Libye ; la guerre actuelle pourrait les imposer, en mettant fin à l'autorité des milices». Enjeux économiques Par ailleurs, il y a le risque que la guerre s'étende sur le terrain économique, puisque l'homme fort de l'Est libyen a déjà accusé le gouvernement d'Al Sarraj de mauvaise gestion des ressources du pétrole. Haftar a demandé, à plusieurs reprises, la reddition des comptes de la part de l'Entreprise nationale du pétrole en Libye (ENPL) et la Banque centrale libyenne, par lesquelles passent les revenus du pétrole. Haftar contrôle 70% des gisements et des ports mais n'en contrôle pas les revenus, principales ressources du Budget. Il a néanmoins régulièrement menacé d'activer la section de Benghazi de l'ENPL. Haftar n'est toutefois jamais passé à l'acte sur conseil de ses alliés internationaux, puisque la Banque centrale, basée à Tripoli, paie les salaires de tous les Libyens. Guerre durable Le patron de l'ENPL, Mustapha Sanaallah, n'écarte cependant pas l'idée qu'une scission puisse se produire. Il a d'ailleurs parlé, dans une tribune publiée le 8 mai par l'agence Bloomberg, de «velléités de vente illégale du pétrole libyen par des entités parallèles». Si cela se produit, alerte Sanaallah, cela plongera le pays dans une guerre civile durable, les acteurs de la guerre pouvant s'approvisionner et s'armer avec l'argent du pétrole. Pour le moment, seul Al Sarraj s'est permis d'accorder deux milliards de dinars libyens (1,4 milliards de dollars) pour l'effort de guerre à Tripoli. Belligérants locaux, puissances locales et internationales poursuivent ces enjeux économiques et financiers en activant leurs relais en Libye, qui abrite l'une des plus importantes réserves internationales de pétrole et de gaz dans le monde. Ce n'est donc pas par hasard qu'Italiens, Français, Britanniques, Russes, Américains, Egyptiens, Emiratis, Qataris, Turcs et Saoudiens s'activent en Libye, comme l'a dit l'envoyé spécial de l'ONU, Ghassen Salamé, en parlant de dix pays impliqués. Il y a également l'Algérie, la Tunisie, le Soudan, le Niger et le Tchad qui sont directement intéressés puisqu'ils sont des voisins de ce pays.