La dictature militaro-industrielle, qui présidait aux destinées de la Grèce avant son entrée dans l'Union européenne en 2001, avait pillé le pays, falsifié ses statistiques et ruiné ses comptes publics. La crise financière, qui en résulta à partir de l'année 2008, avait fait bondir la dette publique de plus de 170%, fait reculer le PIB du pays d'environ 25% et ramené la croissance économique à -9%. De hauts responsables de l'Union européenne et de la Banque centrale européenne au courant de la situation n'ont pas réagi à la gravité de la situation financière réelle, bien au contraire, ils ont poussé les autorités grecques à continuer à emprunter et à appliquer des taux d'intérêt irréalistes qui vont plonger brutalement le pays dans la cessation de paiement. L'austérité absurde, qui fut décidée par cette même Union européenne pour juguler la crise, mit le peuple et l'économie grecs dans une situation socio-économique qui appelle les lendemains de guerre. Les activités industrielles et immobilières s'en trouvèrent subitement figées et le tourisme florissant, porté par des milliers d'années d'histoire, fut stoppé net, emportant avec lui des pans entiers d'artisanat, d'infrastructures touristiques, de transports et autres filières qui gravitent autour de ces premiers pourvoyeurs de richesses et d'emplois du pays. Les élites politiques et militaires corrompues, coupables de cette grave récession, ont été chassées du pouvoir, pour laisser progressivement place à de nouveaux élus issus de compétitions électorales, qui ont permis à de jeunes compétences d'émerger dans des conditions socio-politiques, certes très difficiles, aux commandes de diverses institutions et partis politiques grecs. Ce sont précisément ces jeunes élites (parmi lesquelles l'actuel Premier ministre, Alexis Tsipras), issues d'élections transparentes assistées de près par une Union européenne mieux avisée, qui sont en train de remettre progressivement de l'ordre dans l'économie grecque, en utilisant du mieux possible les crédits alloués, à des conditions draconiennes, par cette communauté. Les résultats sont si bons que l'Union européenne et le FMI, qui avaient octroyé près de 289 milliards d'euros de crédits au titre de la restructuration de sa dette abyssale, pensent déjà à ne pas lui attribuer la 4e ligne de crédit de 60 milliards d'euros, prévue pour août 2019, persuadée que le gouvernement grec peut désormais compter sur ses propres moyens financiers et la compétence de ses nouveaux gouvernants. La croissance économique a en effet repris (1,4% en 2018), le déficit budgétaire sur le point de rejoindre la norme européenne, les investissements reprennent et les touristes reviennent en force. Similitudes avec le cas algérien Ayant longtemps subi la dictature des colonels (magnifiquement décrite par Costa Gavras dans son fameux film Z tourné à Alger) et les malversations de sa classe dirigeante, les Grecs sont très sensibles à ce qui se passe depuis le 22 février dernier en Algérie. Ils regardent avec beaucoup d'attention les grandes manifestations du vendredi sur les chaînes de télévision grecques et internationales (notamment TV5 Monde) étonnés et admiratifs au regard de ces massives déferlantes populaires pacifiques sorties réclamer un meilleur destin pour leur pays si riche, mais très mal gouverné. Ce vendredi, les amis grecs avec qui je visionnais le film de la manifestation algéroise, m'avaient fait part de leur crainte de voir les généraux, qui dirigent le pays, reprendre leur nature violente, comme ce fut le cas en Grèce du temps de la dictature des colonels. En réaction à cette solidarité d'amis étrangers qui comprennent parfaitement l'aspiration du peuple algérien à un mieux être, un sentiment de fierté vous envahit aussitôt. A l'évidence, l'Algérie n'est pas seule dans son combat pour l'instauration d'un Etat de droit et d'une authentique démocratie. Elle compte de nombreux peuples amis et, de par la similitude du combat qu'il avait mené contre ses élites corrompues, le peuple grec en est désormais un de plus.