Le personnel étranger du groupe Lafarge, représentant une quinzaine de cadres, exerçant au niveau de la cimenterie de M'sila, a été congédié lundi vers 20h par plus de 200 travailleurs, après l'échec des discussions préliminaires qui se sont déroulées au lendemain de la prononciation, le 9 mai, du verdict suspendant le mouvement de grève. Le point de discorde qui a tout chamboulé était l'intransigeance de la direction de Lafarge à vouloir exclure 3 syndicalistes qui, selon le directeur de l'usine, rencontré à l'hôtel, sont à l'origine de la perte de 84 000 tonnes durant ces six jours de grève. A cette condition non négociable de la direction, les travailleurs ont brandi une autre également non négociable, celle de la mise à la porte de tous les étrangers qui exercent dans l'usine, tant que les 3 syndicalistes ne seront pas acceptés comme les représentants des travailleurs et que leur suspension soit annulée. La nuit a été agitée pour ces cadres, à savoir le directeur industriel, Xavier Saint Martin Tillet, qui est Français, le directeur de l'usine Ion Trofin (Roumain), le DRH (Jordanien), le directeur de la production (Kenya), un Marocain, un Saoudien et des Algériens de la DG, pris de panique par la tournure brutale des événements et la descente massive de travailleurs en furie au siège de la direction et se voyant menacés ont quitté dans la précipitation l'usine, sans même prendre leurs bagages pour élire domicile à l'hôtel Qalaâ (La citadelle) à M'sila. A 22h, l'hôtel grouillait du personnel de la cimenterie. Un agent de sécurité raconte qu'il était derrière les persiennes de sa fenêtre et avait assisté à l'arrivée des travailleurs. « Environ 100 ou 120 travailleurs sont arrivés devant le pavillon, 5 personnes se sont détachées du groupe et ont demandé à ce que tous les étrangers quittent l'usine. » Après le départ du personnel d'encadrement étranger pour l'hôtel Qalaâ, où a été érigé le quartier général de Lafarge, les travailleurs ont envahi l'usine et le mouvement s'est un peu plus corsé, engendrant une situation conflictuelle inédite, se matérialisant en l'occupation des lieux de travail. La situation a évolué rapidement au lendemain de la promulgation, par le tribunal, de la suspension du mouvement de débrayage, pour arriver à cette impasse. Le passage du maire de Hammam Dalaâ à l'usine, nous dira un travailleur rencontré hier à l'usine, qui avait assisté à la réunion préliminaire du 10 mai, a permis aux deux parties de s'asseoir à la même table. Il a exhorté les protagonistes qui, a-t-il souligné, ont fait montre de leur disposition à se soumettre et faire des concessions afin de rechercher l'intérêt ultime de tous qui est l'arrêt du mouvement de débrayage, l'annulation des décisions de suspension des syndicalistes et la remise en marche de l'usine. « Aussitôt après le départ du maire, a soutenu cet ouvrier, la direction a fait volte-face et conditionné le retour à la table des négociations à l'exclusion des 3 syndicalistes. » Au sixième jour de grève, le marché du ciment s'est installé en hausse, le prix oscillant entre 920 et 950 DA le sac de 50 kg. Au moment où l'on met sous presse, la situation n'a pas évolué sauf que, selon le directeur de l'usine, Ion Trofin, joint par téléphone, une délégation du groupe Lafarge a été reçue par le wali de M'sila, qui a exhorté les deux parties, croit-on savoir, à faire preuve de responsabilité et d'emprunter la voie du dialogue.